Les médias se font régulièrement l’écho de victoires de sociétés étrangères face à des squatteurs de marque en Chine, présentées comme les signes d’une amélioration dans la lutte contre ce phénomène par les autorités chinoises. Notre blog ne fait pas exception, et nous avons ainsi traité de nombreuses affaires impliquant les marques Lafite, Michael Jordan, New Balance, Uniqlo, Bulgari, et bien d’autres.
Bien souvent, ces victoires ont un point commun : elles concernent des marques détenues par de grandes sociétés, bénéficiant donc d’une notoriété parfois importante sur le territoire chinois, mais également des ressources nécessaires pour lutter contre le squattage de leur marque.
Qu’en est-il des plus petites entreprises ? En effet, le squattage de marque ne touche malheureusement pas que les grandes marques. Chaque année, de nombreuses PME françaises en sont également victimes. Elles le découvrent généralement lorsqu’elles commencent à s’intéresser au marché chinois et décident de déposer leur marque.
Nous traitons très régulièrement sur ce blog du phénomène de squattage de marque en Chine. Pour rappel, il s’agit du dépôt, par des entreprises ou particuliers chinois, de marques, connues ou non, réalisé non pas dans l’intention de les utiliser mais à des fins de revente, généralement à prix élevés. La Chine mène depuis plusieurs années de nombreuses actions pour lutter contre ce type de comportements qui constitue aujourd’hui un réel obstacle au développement d’un environnement d’affaires propice aux entreprises chinoises et étrangères. Vous pouvez notamment consulter notre dernier article sur les mesures prises par les autorités chinoises pour lutter contre ce phénomène.
Les contrefacteurs pourront désormais être répertoriés dans le système de crédit social chinois
L’Administration d’État de la Surveillance du Marché (SAMR), qui supervise la CNIPA, a récemment adopté une série de mesures administratives (ci-après les « Mesures ») qui précisent les types de violation pouvant amener à faire figurer une entreprise sur la « Liste des entités illégales et malhonnêtes ». Cette liste, mise en place en 2016, fait office de liste noire, les entreprises répertoriées pouvant par ailleurs se voir imposer des amendes et des sanctions, comme nous allons le voir dans cet article.
En Chine, une cession de marque, pour être effective, doit être enregistrée auprès de l’Office chinois des marques (CTMO). Cette procédure, d’apparence simple et rapide, peut cependant constituer un écueil important pour les entreprises étrangères peu familières de la loi et de la pratique chinoises en matière de marques.
Imaginez, vous achetez une marque en Chine et, après avoir payé l’intégralité des frais, vous découvrez que la cession de la marque est rejetée par l’Office chinois des marques. Comble de malheur, le cédant refuse de vous rembourser la somme d’argent que vous avez payée… Pour éviter de vous retrouver dans pareille situation, il est recommandé de connaître les risques potentiels relatifs à une cession de marque en Chine.
A l’occasion de la journée portes ouvertes tenue par l’Administration nationale chinoise de la propriété intellectuelle (CNIPA) le 26 avril 2021, le directeur de l’Office chinois des marques, M. CUI Shoudong, a dressé la liste des dix Cas typiques d’opposition et d’examen des marques en 2020. L’ambition était toujours de lutter contre les enregistrements de marques de mauvaise foi, guider les individus et entreprises dans la manière adéquate d’adopter une marque et promouvoir le respect d’une concurrence loyale. Nous revenons ci-après sur trois des procédures d’opposition listées.
Vous êtes titulaire d’une marque en France ou dans l’Union européenne, vous envisagez de conquérir l’empire du Milieu et vous avez décidé d’étendre la protection de votre marque dans ce pays ?
Il est possible que vous ayez alors la surprise de découvrir que votre marque a déjà été déposée en Chine, à l’identique ou sous une forme très similaire, par un complet inconnu !
Il s’agirait alors d’un « squattage de marque », pratique que nous vous avons déjà présentée dans un précédent article. Ce phénomène, malheureusement assez typique dans ce pays, pourrait constituer un réel obstacle pour obtenir une protection de marque. La difficulté a en tout cas marqué l’esprit de nombreux investisseurs étrangers, mais aussi celui du gouvernement chinois.
De l’importance du dépôt d’une marque en caractères chinois
Notre blog en a fait écho à plusieurs reprises notamment concernant la marque Mickael Jordan et New Balance. Il est primordial pour les entreprises étrangères qui souhaitent se développer en Chine d’enregistrer leurs marques, non seulement les marques en caractères latins, mais aussi les translittérations en caractères chinois. Nous vous proposons de vous expliquer pourquoi ce dépôt est si important et comment une translittération de marque peut être choisie.
Pourquoi est-il important pour les entreprises étrangères de déposer leurs marques en caractères chinois ?
Une analyse des principales dispositions de la nouvelle loi
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Durant la dernière décennie, la Chine a connu un essor économique sans précédent, ce qui a poussé de plus en plus de sociétés étrangères à tenter de se développer sur son marché. Dans ce contexte, la Chine a développé son droit de la propriété intellectuelle, et notamment son droit des marques. Le régime juridique chinois relatif aux marques a été adopté en 1983 et applique notamment le principe du premier déposant (« first to file »). Ce principe, qui fait bénéficier de la protection la première personne à enregistrer la marque, indépendamment du fait qu’elle l’ait utilisée ou prévoit de l’utiliser, a eu pour effet de favoriser le phénomène de squatting de marque.
Au travers des révisions successives de la loi des marques (en 1993, 2001, 2013 et 2019), la Chine s’est efforcée de mettre en place un système efficace pour lutter contre le dépôt frauduleux de marque et la contrefaçon. Il s’agit également de l’objectif majeur de la nouvelle révision de la loi des marques[1] qui a été adoptée cette année et est entrée en vigueur le 1er novembre dernier. Nous vous proposons de revenir sur les modifications clés de cette révision.
Suite au dépôt frauduleux de la marque « Assassin’s Creed » en caractères chinois, Ubisoft gagne une action en invalidation sur la base d’un nom de jeu
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Comme vous le savez probablement, « Assassin’s Creed » est un jeu vidéo développé et commercialisé par la société Ubisoft. Depuis son lancement en 2007, il a connu un très grand succès. Un succès dont a voulu profiter la société Hongkongaise Lion Rock qui a déposé entre 2009 et 2019 plus de cent marques composées soit du nom « Assassin’s Creed » en caractères latins ou chinois, soit du logo ou de dessins du jeu. Parmi ces dépôts, le nom du jeu en caractères chinois a été déposé en classe 25 désignant les produits de vêtements. Ce dépôt frauduleux, qui est manifeste sur le plan moral, n’est pourtant pas évident à attaquer sur le plan juridique car aucune loi ni aucun règlement ne prévoit la protection d’un nom de jeu en Chine et le principe de mauvaise foi n’est pas directement applicable à lui seul auprès des autorités chinoises.
Les marques notoires semblent être de mieux en mieux protégées en Chine, comme en témoigne le cas Lafite. Dans cette affaire, la société française Les Domaines Barons de Rothschild (Lafite) a réussi à faire annuler la marque «拉斐特 » (LA FEI TE en pinyin) reprenant le terme « Lafite» en caractère chinois alors même que les classes désignées étaient différentes.
La marque « 拉 斐 特 » n°6054822 a été déposée le 17 mai 2007 par Beijing Chateau Lafitte Hotel et enregistrée le 21 avril 2015 en classe 43 pour des services de restauration, d’hôtels et de bars.
La société française Les Domaines Barons de Rothschild (Lafite), notamment titulaire de la marque « LAFITE », a déposé une action en annulation auprès du TRAB (Trademark Review and Adjudication Board) afin que soient reconnus :
Le caractère notoire de ses marques « LAFITE » n° 1122916 et « 拉菲 » (LAFITE en caractères chinois) n° 6186990 désignant des produits vitivinicoles.
L’atteinte par la marque adverse à ses marques notoires « LAFITE » en caractères latins et chinois.
La similitude entre le signe adverse et les siens, ainsi qu’entre leurs produits et services respectifs.
L’atteinte par la marque adverse à son nom commercial.
Cependant, par une décision du 16 août 2016, le TRAB a considéré que la marque litigieuse ne portait pas atteinte aux marques invoquées en ce que leurs produits et services respectifs étaient différents. En outre, il a considéré que le titulaire des marques « LAFITE » ne prouvait pas que ses marques étaient notoirement connues en Chine au moment du dépôt de la marque litigieuse. En conséquence, le TRAB a confirmé l’enregistrement de la marque litigieuse.
La société Les Domaines Barons de Rothschild (Lafite) a alors interjeté appel de cette décision devant le Tribunal Populaire Intermédiaire de Pékin (Beijing Intermediate People’s Court) qui a annulé la décision du TRAB et a ainsi renvoyé l’affaire devant celle-ci afin qu’elle soit réexaminée.
Ultérieurement à ce réexamen, le TRAB et la société Beijing Chateau Lafitte Hotel ont saisi le Tribunal Populaire Supérieur de Pékin (Beijing High People’s Court) qui a considéré dans sa décision les éléments suivants :
Avant le dépôt de la marque litigieuse, la société française Lafite avait déjà établi, au fil des années, une solide relation entre ses marques « LAFITE » et « 拉菲 », de sorte que pour le consommateur chinois, ces marques ont clairement la même provenance commerciale.
La marque litigieuse « 拉 斐 特 » est phonétiquement identique à la marque « 拉菲 » de la société française, ce qui en fait une copie et une imitation.
Bien que les services pour lesquels la marque litigieuse est autorisée à être exploitée appartiennent à une classe différente des marques invoquées par ladite société, le groupe de consommateur ciblé par ces marques est susceptible d’être le même.
Dès lors, au regard de tous ces éléments, le Tribunal a estimé qu’il existait un risque de confusionentre la marque litigieuse et les marques LAFITEpour le public pertinent chinois, et a par conséquent annulé la marque litigieuse.
Ainsi, alors que le caractère notoire d’une marque est généralement difficile à prouver auprès des tribunaux chinois, cette affaire est un exemple de l’amélioration de la protection des marques notoires en Chine, dont nous avions déjà fait état sur notre blog, étendue cette fois à des activités distinctes de celles couvertes par les marques déclarées notoires.