L’action en déchéance de marque en Chine
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L’action en déchéance de marque en Chine

Comment l’utiliser ?

En Chine, l’usage effectif d’une marque n’est pas une condition préalable à son enregistrement. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire qu’une marque soit utilisée au moment où la demande d’enregistrement est déposée. Ainsi, le système chinois repose sur le principe du « first to file » et se différencie d’autres systèmes juridiques, tels que celui applicable aux États-Unis qui appliquent le principe du « first to use ».

Toutefois, l’absence d’utilisation d’une marque en Chine peut avoir un impact négatif sur sa validité. Ainsi, et conformément à l’article 49.2 de la loi chinoise sur les marques, si une marque enregistrée n’est pas utilisée pendant trois années consécutives sans motif justifié, toute personne peut engager une action en déchéance pour non-utilisation et contester la validité de la marque.

Cet article vous explique comment fonctionnent les actions en déchéance en Chine, comment les entreprises étrangères peuvent en bénéficier, mais également comment elles peuvent leur être préjudiciables.

I. Qui peut déposer une action en déchéance ? Dans quel cas ?

D’une manière générale, toute personne peut déposer une action en annulation. Le seul critère est que la marque doit avoir été déjà enregistrée pendant au moins trois ans.

La plupart du temps, les actions en déchéance sont formées par des déposants de marque pour tenter de surmonter une marque antérieure qui a été citée par l’office chinois des marques (CTMO) pour refuser une demande d’enregistrement. Ainsi, si l’action en déchéance fonctionne, la marque antérieure est annulée et ne constitue plus un obstacle, et le déposant de la marque bloquée pourra obtenir son enregistrement dans le cadre d’une demande en réexamen formée auprès du bureau de révision (TRAB).

À noter que, depuis l’année dernière, le TRAB doit suspendre la procédure de réexamen le temps que la décision relative à l’action en déchéance soit rendue. Il s’agit là d’un changement important dans la pratique des autorités administratives de marque. Vous pouvez retrouver notre article sur ce sujet ici.

II. La procédure de déchéance

La procédure de déchéance peut passer par plusieurs étapes : devant le CTMO, puis, en cas de contestation de la décision du CTMO, devant le TRAB. Un appel est ensuite possible devant la Cour de la propriété intellectuelle de Pékin.

Procédure devant le CTMO

A la suite du dépôt d’une action en déchéance, le CTMO notifie le titulaire de la marque et lui demande de déposer, dans les deux mois suivant la date de réception de la notification, des preuves de l’utilisation de la marque.

Conditions de fond

Ces éléments de preuve doivent permettre de prouver l’utilisation de la marque pendant les trois ans précédant la date de dépôt de l’action en déchéance.

Parmi les éléments de preuve couramment acceptés, on trouve les accords de licence de marque, les brochures commerciales et autres éléments de publicité, les factures de vente de produits sous la marque, ou tout autre document pouvant prouver que la marque a bien été utilisée au cours des 3 dernières années. Relevons que le titulaire peut également fournir des preuves de l’utilisation de la marque par un licencié.

Les preuves soumises doivent permettre d’établir l’utilisation de la marque dans la classe et dans les produits ou services désignés par la marque. A défaut, elles ne seront pas recevables.

Conditions de forme

En ce qui concerne la forme des preuves, il est préférable que celles-ci soient déposées en version originale ou en copie notariée (ce qui signifie que le délai pour recueillir les preuves et procéder aux formalités est très serré). À défaut, elles seront plus facilement contestables lors de la procédure de recours devant le TRAB, que nous étudierons plus bas.

Si le titulaire ne soumet pas de preuve dans ce délai, la marque est alors annulée. Si, au contraire, il présente des preuves d’utilisation de la marque, le CTMO les examine et décide si elles sont acceptables, c’est-à-dire si elles permettent bien d’établir l’utilisation, par le titulaire ou son licencié, de la marque sur les produits ou services désignés et pendant la période des 3 ans avant le dépôt de la demande de déchéance.

La procédure de l’action en déchéance devant le CTMO dure généralement entre 7 et 8 mois.

Procédure de recours devant le TRAB

Dans l’hypothèse où le CTMO décide d’annuler l’enregistrement de marque, il notifie sa décision au demandeur et au titulaire de la marque. Ce dernier a alors la possibilité de déposer un recours devant le TRAB dans les 15 jours suivant la réception de la décision.

Si, au contraire, le CTMO décide de rejeter la demande d’annulation, le demandeur a également la possibilité de déposer un recours devant le TRAB, dans le même délai. À cette occasion, les éléments de preuve apportés par le titulaire de la marque lui seront révélés, et il sera possible de les contester.

Dans les deux cas de recours, le TRAB se saisit de la décision du CTMO pour enquête, et les deux parties peuvent lui soumettre leurs arguments et éléments de preuve pour le convaincre de revoir, ou au contraire de maintenir, la décision du CTMO.

Dans l’hypothèse où l’une des parties n’est pas satisfaite de la décision prise par le TRAB, elle peut déposer un appel auprès de la Cour de propriété intellectuelle de Pékin, dans les 30 jours suivant la réception de la décision.

La procédure devant le TRAB dure généralement entre 12 et 18 mois.

III. L’action en déchéance, moyen de défense ou menace pour les titulaires de marques étrangers ?

Un bon moyen de défense

L’action en déchéance pour non-utilisation de marque est ouverte à tous et a un coût raisonnable. De plus, elle est facile à mettre en œuvre, puisque la charge de la preuve pèse sur le défendeur. Ainsi, le nombre des actions en déchéance a beaucoup augmenté ces dernières années.

Pour les titulaires de marques étrangers, cette action est donc un bon moyen de défense contre les dépôts de mauvaise foi ; elle leur permet de « récupérer » leur marque. En effet, une fois la marque frauduleuse annulée, ils pourront obtenir l’enregistrement de leur marque. En règle générale, les déposants frauduleux n’utilisent pas les marques qu’ils déposent et sont donc dans l’impossibilité de soumettre des preuves d’utilisation au CTMO.

Se prémunir contre la falsification des preuves

C’est cependant sans compter la pratique de falsification des preuves dans la procédure de déchéance, dont nous mettions en garde nos lecteurs dans un précédent article. Ainsi, certains déposants frauduleux de marque n’hésitent pas à soumettre des fausses preuves au CTMO de façon à obtenir le maintien de leur marque. Le CTMO est généralement peu exigeant concernant les éléments de preuve. En particulier, il n’exige pas de preuves en version originale ou notariée, ce qui permet de falsifier facilement les documents. Il sera alors important de déposer un recours auprès du TRAB pour obtenir les preuves soumises et pouvoir les contester. Vous pouvez retrouver nos recommandations dans notre article disponible ici.

Une menace potentielle

Dans le même temps, une action en annulation peut aussi constituer une menace potentielle pour les titulaires étrangers qui ont opté pour une stratégie défensive de dépôt, et ont donc déposé leurs marques dans un grand nombre de classes alors qu’ils ne les utilisent pas toutes, ou encore si ce dépôt a été réalisé en anticipation de projets de développement en Chine qui n’ont finalement pas vu le jour, et qu’ainsi le titulaire ne peut fournir les preuves d’utilisation requises.

Que faire si votre marque est attaquée par une action en déchéance et que vous n’avez pas de preuves d’utilisation à soumettre ? Comme le précise l’article 49.2 de la loi sur les marques, le titulaire qui est dans l’impossibilité de prouver l’utilisation de sa marque peut invoquer une « raison justifiée ». Il faudra prouver par exemple un cas de force majeure, la faillite ou la liquidation du titulaire, ou encore un autre motif légitime et qui ne lui soit pas imputable. Cependant, en pratique, il est important de savoir que cette exception est rarement retenue par les autorités.

Article rédigé par Audrey DRUMMOND