La CNIPA clarifie les objets admissibles à la protection par les modèles d’utilité
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La CNIPA clarifie les objets admissibles à la protection par les modèles d’utilité

Le 3 novembre 2023, l’Administration nationale de la propriété intellectuelle de Chine (CNIPA) a publié les « Directives sur la détermination des objets admissibles à la protection par les Modèles d’Utilité ».

I. Pourquoi ces « Directives » ?

Le modèle d’utilité est l’un des trois types de titres en Chine, aux côtés du brevet d’invention et du brevet de dessin (voir notre article Questions-réponses : ce modèle d’utilité dont on parle tant en Chine).

Bien que sa durée de protection soit courte (10 ans), il n’est pas soumis à un examen de fond, est délivré rapidement (3 à 11 mois) et a le même effet juridique qu’un brevet d’invention, ce qui le rend populaire auprès des entreprises chinoises.

Les solutions techniques qu’il protège sont souvent plus simples qu’un brevet d’invention, rendant la comparaison en cas de contrefaçon moins complexe. Les litiges liés aux modèles d’utilié représentent une part importante des actions en contrefaçon de brevets.

Cependant, le modèle d’utilité fait face à des problèmes de mauvaise utilisation. Selon l’article 2, paragraphe 3, de la loi chinoise des brevets, le modèle d’utilité est défini comme une nouvelle solution technique adaptée à l’utilisation, présentée pour la forme, la structure, ou leur combinaison, d’un produit. Cependant, dans la pratique, de nombreux modèles d’utilité s’étendent aux domaines tels que les méthodes (y compris les programmes informatiques) et les matériaux (comme les proportions des composants), et plus encore.

De plus, dans les procédures d’invalidation des modèles d’utilité, l’accent a toujours été mis sur la nouveauté et l’activité inventive, plutôt que sur l’admissibilité des objets. Ainsi, l’invalidation n’a pas pleinement joué son rôle pour restreindre une expansion inappropriée de la portée des objets admissibles à la protection par modèle d’utilité.

Dans ce contexte, la CNIPA renforce son examen des modèles d’utilité, élevant ainsi les exigences de qualité pour ces derniers.

Selon le rapport mensuel d’enregistrement de l’examen de la CNIPA, le nombre de délivrances de modèles d’utilité a diminué de 24,7 % de janvier à novembre 2023 par rapport à la même période de l’année précédente. En revanche, le nombre de délivrances de brevets d’invention a augmenté de 17,25 % sur la même période. Cette tendance reflète les renforcements de l’examen des modèles d’utilité, incitant également les demandeurs à être plus réfléchis et prudents dans le choix du type de brevet à demander. Malgré cela, le nombre de délivrances de modèles d’utilité reste encore plus de deux fois supérieur à celui des brevets d’invention, démontrant que les modèles d’utilité demeurent un choix populaire parmi les demandeurs chinois.

Dans le but de clarifier les objets admissibles à la protection par modèle d’utilité et de promouvoir la qualité des rédactions de demande et des réponses au cours de la procédure, ces « Directives » ont été élaborées.

II. Quel en est le contenu ?

II.I. Les « Directives » mettent l’accent sur les dispositions relatives à l’objet admissible à la protection par modèle d’utilité et fournissent des exemples

Comme mentionné précédemment, le modèle d’utilité se réfère à une nouvelle solution technique présentée pour la forme, la structure, ou leur combinaison, d’un produit.

Tout d’abord, le modèle d’utilité protège un produit.

Par conséquent, le libellé de l’objet des revendications devrait clairement exclure les méthodes.

Cependant, cela ne signifie pas que les objets ne peuvent pas inclure des méthodes. En réalité, les revendications peuvent utiliser des méthodes connues pour définir le produit. Cependant, si les revendications incluent de « nouvelles méthodes », c’est-à-dire des améliorations apportées à la méthode elle-même, elles ne relèvent pas des objets admissibles à la protection par modèle d’utilité.

La même logique s’applique à un programme informatique : si le programme mentionné est déjà connu et que les améliorations se limitent au matériel informatique, les revendications sont admissibles à la protection par modèle d’utilité. En revanche, si les améliorations portent sur le programme informatique lui-même, elles ne bénéficient pas de la protection par modèle d’utilité.

Par ailleurs, les « Directives » soulignent que si un plan de disposition repose sur des règles artificielles ou des méthodes d’utilisation, il n’est pas un objet admissible à la protection par modèle d’utilité.

Par exemple, une revendication demandant la protection des voies dans une intersection contrôlée par signalisation, visant à améliorer la capacité de passage, ne serait pas admissible si la solution repose sur une division artificielle des fonctions des voies.

Ensuite, le modèle d’utilité protège la forme et/ou la structure du produit.

Les « Directives » précisent que les « formes » ne peuvent pas être biologiques ou naturellement formées, ni être des formes indéterminées formées par des méthodes telles que l’agencement ou l’empilement. Cependant, si une caractéristique technique d’un produit concerne une substance sans forme déterminée, telle que gazeuse ou liquide, elle est conforme à la réglementation sous réserve que cette substance soit restreinte par des caractéristiques structurelles du produit. Par exemple, il est autorisé d’inclure de l’alcool, de forme indéterminée, dans une solution technique proposée pour la forme et/ou la structure d’un thermomètre.

Les structures en couches et les conceptions de circuits font partie de la structure du produit. Cependant, des couches d’impression d’un produit ne sont pas considérées comme sa structure. Les conceptions de circuits incluent généralement des circuits électriques, des circuits gazeux, des circuits hydrauliques, des circuits optiques, etc.

Les revendications incluant des caractéristiques de matériaux sont acceptables pour la protection par modèle d’utilité tant qu’aucun nouveau matériau n’est utilisé pour définir le produit. En d’autres termes, si la revendication ne mentionne que le nom de matériaux connus, elle est considérée comme admissible à la protection par modèle d’utilité. Cependant, si la revendication concerne des améliorations apportées au matériau lui-même, elle n’est pas admissible.

Enfin, le modèle d’utilité protège une solution technique.

Un modèle d’utilité protège un produit qui apporte une nouvelle solution technique à un problème technique. En l’absence d’utilisation d’une méthode technique ou de résolution d’un problème technique, cela ne relève pas des objets admissibles à la protection par modèle d’utilité. Cette approche est cohérente avec les critères généralement appliqués aux brevets d’invention et ne nécessite aucune explication supplémentaire.

II.II. Les « Directives » présentent également des points à suivre dans les demandes de modèle d’utilité et dans les amendements lors de la procédure

Tout d’abord, choisissez le type de brevet approprié.

Les demandeurs devraient choisir soigneusement le type de brevet approprié en fonction de l’objet qu’ils souhaitent protéger.

Si l’invention concerne la forme et la structure d’un produit, la demande d’un modèle d’utilité peut être envisagée. Cependant, si l’invention concerne des méthodes (telles que des algorithmes logiciels, des processus techniques, etc.) et des matériaux, il pourrait être plus approprié de déposer une demande de brevet d’invention.

De plus, soyez attentif à la rédaction.

Lors de la rédaction d’une demande de modèle d’utilité, il est essentiel d’éviter d’inclure des caractéristiques techniques qui ne correspondent pas aux objets admissibles à la protection par modèle d’utilité, que ce soit dans les revendications indépendantes ou dépendantes.

Lors de la rédaction de la description, il est également crucial de définir clairement l’objet qui est admissible à la protection par modèle d’utilité.

Enfin, faites attention aux amendements lors de la procédure.

Si l’examinateur estime que la demande ne relève pas des objets admissibles à la protection par modèle d’utilité, alors :

  • Une modification apportée uniquement à la description ne permet pas de surmonter ce défaut.
  • Une combinaison des revendications ne peut pas surmonter ce défaut.
  • Une suppression de caractéristiques non conformes aux règles peut entraîner une extension d’objet au-delà de la demande telle que déposée.

III. Pratiques dans l’invalidation d’un modèle d’utilité liée à l’admissibilité de l’objet

Un modèle d’utilité peut être opposé/invalidé en raison de sa non-conformité aux critères d’admissibilité à la protection par modèle d’utilité.

De 2020 à 2023, il y a eu un total de 28 demandes d’invalidation invoquant la raison « non-conformité à l’objet admissible à la protection par modèle d’utilité ». Parmi celles-ci, 10% (3 cas) ont été acceptées. Les trois cas invalidés concernaient respectivement (1) une nouvelle méthode, (2) un nouveau matériau et (3) un objet naturel. Fondamentalement, ces cas ont en commun le fait que l’objet à protéger n’était pas un « produit ». Les points (1) et (2) faisant directement référence aux différences de la protection entre les modèles d’utilité et les brevets d’invention, ils méritent une attention particulière.

Lors d’invalidations, une fois que la CNIPA a jugé qu’une invention ne répond pas aux critères du modèle d’utilité, d’autres raisons d’invalidation ne sont pas prises en compte. Cela signifie que même si un modèle d’utilité présente de la nouveauté et de l’activité inventive, s’il ne satisfait pas aux exigences de l’objet admissible à la protection par modèle d’utilité, il sera déclaré invalide. Cela simplifie la tâche d’un tiers souhaitant invalider le modèle d’utilité en réduisant la nécessité de fournir d’autres preuves comparatives avec des documents pertinents de l’art antérieur.

De même, lorsqu’il est confronté à des poursuites en contrefaçon impliquant un modèle d’utilité, le défendeur peut rapidement analyser si le document en question répond aux critères d’admissibilité à la protection par modèle d’utilité. En se basant sur cette raison, il peut demander son invalidation, éliminant ainsi les risques de contrefaçon.

Références :

  1. Directives sur la détermination des objets admissibles à la protection par les Modèles d’Utilité (en chinois) – 关于实用新型专利保护客体判断的指引
  2. Statistiques de la CNIPA (en chinois et en anglais)
  3. La loi chinoise des brevets (en chinois) – 中华人民共和国专利法(2020年修正)
  4. 《关于实用新型专利保护客体判断的指引》的理解和适用 (blog)
  5. China Clarifies the Eligible Subject Matter for Utility Models (blog)

Par Manqi ZHU