“Patent challenge” et médicaments commercialisés en Chine
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“Patent challenge” et médicaments commercialisés en Chine

De nombreuses entreprises chinoises contestent les brevets des géants pharmaceutiques mondiaux dans le cadre du nouveau système de « Patent Linkage » chinois.

Suite à la mise en place du nouveau système de « patent linkage » en Chine, un certain nombre de brevets liés aux médicaments commercialisés en Chine ont subi un « patent challenge » en provenance d’entreprises pharmaceutiques chinoises. Notre article consiste à analyser quelques statistiques publiées à ce sujet et qui concernent la période allant de juillet 2021 à février 2022.

Comme indiqué dans notre article « Patent linkage » : aperçu du nouveau système chinois, une entité fabriquant des médicaments génériques (ci-après génériqueur) demandant une autorisation de mise sur le marché (ci-après AMM) pour un médicament générique a l’obligation de consulter la plateforme d’enregistrement des brevets liés aux médicaments commercialisés et de déposer une déclaration vis-à-vis de chacun des brevets pertinents qu’elle a identifiés.  Pour rappel, il existe quatre types de déclaration :
(I) Il n’y a aucun brevet pertinent enregistré sur la plateforme ;
(II) Le brevet pertinent a déjà expiré, été invalidé ou bien le génériqueur est déjà licencié de ce brevet ;
(III) Le génériqueur promet de ne pas commercialiser le médicament générique avant l’expiration du brevet pertinent ;
(IV) Le brevet pertinent doit être invalidé (type IV-1), ou le médicament générique n’entre pas dans la portée de protection de ce brevet (type IV-2).

Parmi ces quatre types de déclaration, en général, seul le type IV (comportant deux sous-types, à savoir IV-1 et IV-2) peut conduire à une action en nullité de brevet ou un litige en contrefaçon. Il mérite donc une attention particulière.

Selon la base de données des brevets de médicaments de GBI SOURCE, depuis la mise en place du système jusqu’au 17 février 2022, des déclarations de type IV-1 ou de type IV-2 ont été déposées contre des brevets liés à 38 médicaments, dont de nombreux médicaments très connus dans le monde, tels que Eldecalcitol, Metronidazole, Ibuprofen, Azithromycin… Parmi ces 38 médicaments, 15 (dont 6 sur la période allant du 1er janvier au 17 février 2022) ont subi un « challenge » dans le cadre d’une déclaration de type IV-1, c’est-à-dire que les génériqueurs, à savoir beaucoup de grosses entreprises pharmaceutiques chinoises telles que Chia Tai Tianqing, Qilu Pharmaceutical, CSPC, Hansoh Pharmaceutical, etc., prétendent que les brevets relatifs à ces médicaments doivent être invalidés.

Pour rappel, face à une déclaration de type IV, le titulaire du brevet ou les parties intéressées peuvent déposer une opposition, dans un délai de 45 jours à compter de la date de publication de la déclaration, soit devant la Cour de la Propriété Intellectuelle de Pékin (voie judiciaire), soit devant la CNIPA (voie administrative), en lui demandant de déterminer si la solution technique liée au médicament générique entre dans la portée de protection du brevet.

Relevons que, grâce notamment à la période d’exclusivité du marché de 12 mois, applicable uniquement aux médicaments chimiques et accordée au premier génériqueur qui a réussi un « patent challenge », il y aura certainement de plus en plus de médicaments princeps contestés par les génériqueurs chinois. Pour le titulaire du brevet ou détenteur de l’AMM du médicament princeps, la priorité immédiate est donc de formuler à l’avance des stratégies pour se défendre face à d’éventuelles déclarations du type IV.

Outre la nécessité d’enregistrer les brevets liés aux médicaments princeps sur la plateforme chinoise (équivalent de l’Orange Book aux États-Unis) en temps opportun, il reste important de surveiller régulièrement la publication de la demande d’AMM et de la déclaration du génériqueur une fois l’enregistrement des brevets terminé, afin de pouvoir réagir le plus tôt possible et ainsi d’éviter de perdre l’opportunité d’engager un litige dans le cadre du « patent linkage » dans le délai applicable de 45 jours. A défaut, le titulaire du brevet ne pourra bénéficier de la période d’attente de 9 mois.

Article rédigé par Mei TAO