Ajustement de la durée des brevets en Chine
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Ajustement de la durée des brevets en Chine

PTA désormais possible en Chine ?

Comme annoncé précédemment, nous publions une série d’articles consistant à présenter les changements majeurs prévus dans le cadre de la récente révision du règlement d’application de la loi chinoise sur les brevets (ci-après « le nouveau règlement ») et des directives d’examen de brevets (ci-après « les nouvelles directives »). Voici le 4ème article de cette série, dédié aux clarifications apportées par ces deux textes concernant le nouveau régime dit de PTA (Patent Term Adjustment en anglais, ou ajustement de la durée du brevet en français).

Pour rappel, à l’occasion de la 4ème révision de la loi chinoise des brevets, deux nouveaux régimes, dits de PTA et de PTE, ont été mis en place. Nous nous concentrons ici sur le PTA et présenterons le PTE dans un prochain article.

Pourquoi un PTA ?

Comme dans la plupart des pays du monde, un brevet d’invention chinois a une durée de protection maximum de 20 ans à compter de la date de dépôt, étant précisé que, dans le cas d’un brevet issu d’une entrée en phase chinoise d’un PCT, c’est la date de dépôt du PCT qui compte. Cette durée était non prolongeable avant la 4ème révision de la loi. Étant donné que les droits de brevet sont en vigueur à compter de la date de publication de la mention de sa délivrance et qu’une demande de brevet d’invention est soumise à un examen de fond, qui prend souvent plusieurs années, la durée de protection effectivement offerte au titulaire du brevet est généralement très inférieure aux 20 ans prévus par la loi.

La révision de la loi part du principe qu’il est injuste de laisser le breveté subir un raccourcissement de la durée de son brevet pour des raisons qui ne lui sont pas imputables. Le législateur chinois a donc décidé d’introduire le régime de PTA pour mieux défendre les droits et intérêts légitimes des brevetés, comme c’est le cas aux États-Unis, au Japon ou encore en Corée du Sud. 

Dispositions de la loi sur les brevets

Selon l’article 42.2 de la loi, dans le cas où la délivrance d’une demande de brevet d’invention est obtenue plus de quatre ans à compter de la date de dépôt et plus de trois ans à compter de la date de la demande d’examen de fond, l’administration des brevets du Conseil d’État accorde, sur demande du titulaire du brevet, une compensation sur la durée du brevet pour retard injustifié dans la procédure de délivrance, à l’exception du retard injustifié causé par le demandeur lui-même.

Cette disposition s’applique donc aux brevets d’invention, et non aux modèles d’utilités, ni aux brevets de design (ou dessins et modèles). Néanmoins, il est à noter que tous les brevets d’invention ne peuvent pas bénéficier de ce nouveau régime. Il existe une exception prévue par la règle 78.4 du nouveau règlement concernant les situations de « double dépôt ». Ce « double dépôt » consiste, pour un même déposant, à déposer simultanément une demande de brevet de modèle d’utilité et une demande de brevet d’invention le même jour pour la même invention. Dans ce cas, la durée de protection du brevet d’invention délivré ne pourra pas être compensée.

Cette exception est justifiée par le fait que le modèle d’utilité du « double dépôt » est dans la plupart des cas délivré très rapidement (3-9 mois après son dépôt) et de façon quasi-automatique. Il peut donc servir de base pour lutter contre la contrefaçon dès sa délivrance.   

Le nouveau règlement et les nouvelles directives ont apporté des précisions nécessaires à l’exécution de l’article 42.2. Nous allons en voir les principaux aspects dans la suite de notre article.

Dépôt de la demande de PTA

Selon la règle 77 du nouveau règlement, afin de pouvoir bénéficier du PTA pour un brevet d’invention, le titulaire doit présenter une requête à la CNIPA dans un délai de trois mois à compter de la date de publication de la mention de la délivrance de ce brevet et acquitter la taxe correspondante (dont le montant n’a pas encore été précisé par la CNIPA). Cela signifie qu’en l’absence d’une telle requête dans le délai de trois mois, le titulaire perd, de manière irréversible, son droit de demander un PTA pour le brevet en question. Il convient donc de surveiller ce délai soigneusement et de penser à prendre une décision en temps voulu.

Calcul du nombre de jours du PTA

Selon les règles 78.1 et 78.2 du nouveau règlement, la durée du PTA est égale au nombre effectif de jours pendant lesquels la délivrance du brevet d’invention en question a été indûment retardée dans la procédure de délivrance. Elle se calcule selon la formule suivante :

Durée du PTA = (date de délivrance – date d’expiration des délais de quatre et trois ans) – nombre de jours de retard justifié – nombre de jours de retard injustifié causé par le déposant lui-même

Afin de rendre nos explications moins lourdes, cette formule est simplifiée comme suit :

PTA = (D1-D2) – N1 – N2

Pour appliquer correctement cette formule, il importe de comprendre les notions suivantes :

– D1 : la date de délivrance du brevet, facile à trouver sur la page de garde de ce dernier, comme illustré par le cadre rouge sur la capture d’écran ci-dessous à titre d’exemple 

– D2 : la date d’expiration du délai de quatre ans à compter de la date de dépôt, ou celle du délai de trois ans à compter de la date de la demande d’examen quant au fond, la date la plus tardive étant retenue. 

Plusieurs remarques à ce propos :

La date de dépôt peut prendre différentes valeurs en fonction du type du brevet, plus précisément :

– pour un brevet issu d’une demande nationale directe ou sous Convention de Paris, la date de dépôt est la date effective où la demande chinoise a été déposée à la CNIPA ;

– pour un brevet issu d’une entrée en phase chinoise d’un PCT, la date de dépôt est la date d’entrée en phase CN de ce PCT ;

– pour un brevet issu d’une demande divisionnaire, la date de dépôt est la date effective où la demande divisionnaire a été déposée à la CNIPA.

En ce qui concerne la date de la demande d’examen de fond, elle est aussi un peu compliquée à définir. Généralement, elle correspond à la date à laquelle le demandeur a déposé une requête en examen de fond ET payé intégralement la taxe d’examen. Il se peut que la date de dépôt de la requête soit différente de celle du paiement de la taxe. Dans ce cas, c’est la date plus récente qui compte. Dans un cas particulier mais pas rare, lorsque la date de la demande en examen de fond est antérieure à la date de publication de la demande de brevet donnant naissance au brevet en question, c’est la date de publication qui remplace la date de la demande d’examen de fond dans le calcul du PTA. 

– N1 : le nombre de jours du retard justifié, qui inclut les circonstances suivantes :

  • un retard provoqué par la procédure de réexamen dans laquelle la demande de brevet a été modifiée conformément à la règle 66 du nouveau règlement ;
  • un retard causé par la suspension de la procédure de délivrance dans le cadre de différends (sur la titularité, etc.) conformément à la règle 103 du nouveau règlement ;
  • un retard résultant de mesures conservatoires (décidées par les cours) à l’encontre de la demande de brevet conformément à la règle 104 du nouveau règlement ;
  • toute autre circonstance raisonnable, telle que les retards causés par un litige administratif.

– N2 : le nombre de jours du retard injustifié causé par le déposant lui-même, qui inclut les circonstances suivantes :

  • un retard causé par la demande de prorogation du délai de réponse à une notification de la CNIPA, le nombre de jours du retard étant l’intervalle entre la date de dépôt de la réponse et la date d’expiration du premier délai imparti par l’office ;
  • un retard causé par l’examen différé, le nombre de jours du retard correspondant au nombre de jours effectifs de l’examen différé ;
  • un retard causé par l’ajout par référence, le nombre de jours du retard étant celui de la remise complémentaire des documents de la demande de brevet ;
  • un retard résultant d’une requête en restauration des droits, le nombre de jours du retard étant l’intervalle entre la date d’émission de la notification approuvant la restauration des droits et la date d’expiration du délai initial ;
  • un retard dû au fait que le déposant n’a pas demandé de traitement anticipé pour une entrée en phase chinoise effectuée avant le délai de 30 mois à compter de la date de priorité, le nombre de jours du retard étant l’intervalle entre la date d’entrée dans la phase nationale chinoise et la date d’expiration du délai de 30 mois à compter de la date de priorité.

Examen de la demande de PTA et moyens de recours

Si la demande de PTA remplit les conditions requises, la CNIPA doit prendre la décision d’accorder le PTA, inscrire les éléments pertinents (numéro de classement principal, numéro de brevet, date de dépôt, date de délivrance, date d’expiration de la durée initiale du brevet, date d’expiration de la durée actuelle du brevet) au Registre des brevets et les publier au Bulletin des brevets.

Si, au contraire, les conditions requises ne sont pas remplies, l’Office doit donner au demandeur au moins une occasion pour présenter ses observations et/ou régulariser les documents soumis.

Selon l’annonce N° 560 de la CNIPA, à partir du 20 janvier 2024, les titulaires de brevets, ainsi que toute personne intéressée par un litige relatif à la contrefaçon du brevet concerné peuvent, s’ils ne sont pas satisfaits de la décision rendue par la CNIPA en matière du PTA, demander une révision administrative auprès de cette dernière.

Article rédigé par Mei TAO