Examen des marques en Chine : dernières nouveautés
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Examen des marques en Chine : dernières nouveautés

Analyse des nouvelles directives de la CNIPA

L’Office chinois de la propriété intellectuelle (CNIPA) a publié de nouvelles directives sur l’examen des marques en Chine le 22 novembre 2021, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2022. Ces directives remplacent les critères d’examen, de révision et d’adjudication des marques (ci-après dénommés les « critères ») datant de 2016.

Les directives sont divisées en deux parties, la première portant sur l’examen de forme des demandes de marque et la seconde sur l’examen de fond. Cette seconde partie des directives constitue une avancée importante puisqu’elle fournit des instructions plus précises que les règles prévues par les critères de 2016, en particulier sur les aspects suivants :

  1. Dépôt de marque de mauvaise foi sans intention d’exploitation

Pour lutter contre le squattage des marques, l’article 4 de la loi chinoise sur les marques a été complété par la clause suivante : « les demandes frauduleuses d’enregistrement de marques de mauvaise foi sans intention d’exploitation doivent être rejetées ». Les directives précisent la façon dont cette clause doit être appliquée.

i. Qu’est-ce qu’une « demande de marque de mauvaise foi sans intention d’exploitation » ?

Les directives précisent que, si le déposant soumet un grand nombre de demandes d’enregistrement de marque qui ne sont pas destinées à être utilisées dans le cadre d’activités commerciales, un tel comportement utilise indûment les ressources marques et perturbe le bon ordre du système d’enregistrement des marques. Ce type de comportement peut donc être considéré comme une « demande de marque de mauvaise foi sans intention d’exploitation ».

ii. Les situations dans lesquelles une demande de marque peut être qualifiée de « demande de marque de mauvaise foi sans intention d’exploitation »

Elles sont listées dans les directives, qui prévoient les cas de figure suivants :

1. Le déposant dépose un grand nombre de demandes de marques, qui dépasse les besoins de ses activités commerciales et ne remplit donc pas la condition d’intention d’exploitation ;

Ex : Société de consultation, dont les activités déclarées sur le registre des sociétés sont les suivantes : consultation sur chauffe-eau solaire, tourisme, image des sociétés. Son associé unique est une personne physique, capital déclaré de 140k euros mais sans encaissement,

Titulaire de plusieurs centaines de marques, dont plus de 100 dépôts réalisés en décembre 2019. Plus de 30 classes différentes sont visées par ses dépôts, et concernent des secteurs d’activités très variés, par exemple, classe 30 pour les produits alimentaires, et classe 36 pour les services financiers.

2. Le déposant dépose de nombreuses marques qui sont des copies ou des imitations de marques de tiers jouissant d’une certaine notoriété et d’un fort caractère distinctif ;

3. Le déposant dépose à plusieurs reprises des demandes portant sur certaines marques renommées ou distinctives appartenant à une même personne ;

Ex : Société X est titulaire de plusieurs marques distinctives en Chine : A, B, C, D, etc.

Société Y a déposé une vingtaine de marques, reproduisant les différentes combinaisons des marques détenues par la société X :  AB, AC, BC, BD, etc.

4. Le demandeur dépose de nombreuses marques identiques ou similaires à des logos commerciaux de tiers (tels que des noms commerciaux, des abréviations de noms commerciaux, des noms de domaine, des noms de produits), ou des marques ayant des caractéristiques similaires à des « emballages de produits ou décoration avec une certaine influence » de tiers, ou encore des marques qui sont similaires à des slogans ou designs publicitaires de tiers.

5. Le déposant dépose de nombreuses marques identiques ou similaires à des noms de personnes célèbres, des noms d’œuvres célèbres ou des noms de personnages d’œuvres, etc.

Ex : Société W qui a procédé au dépôt d’une trentaine de marques reproduisant les noms (en chinois) de différents lauréats du prix Nobel en classe 5 et 30 pour profiter de leurs réputations.

6. Le demandeur dépose de nombreuses marques identiques ou similaires à des noms de divisions administratives, de montagnes, de rivières, de sites pittoresques, de bâtiments, etc.

7. Le déposant dépose de nombreuses marques sans caractère distinctif, telles que des noms communs, des mentions industrielles des produits ou services désignés, des signes qui indiquent directement la qualité, les matières premières, les fonctions, le poids ou la quantité des produits ou services désignés.

8. Le déposant dépose de nombreuses marques puis les cède à différentes parties.

Ex : Société X, titulaire de plus de 700 marques en 30 classes, dont 198 marques ont été cédées à 198 acheteurs différents. 

9. Le déposant vend de nombreuses marques à d’autres parties dans le but d’obtenir des avantages indus ou d’utiliser ces marques comme droits légaux pour exiger d’une autre partie (par exemple : l’utilisateur précédent des marques) de payer des frais de cession élevés, des frais de licence ou des frais d’indemnisation en cas de contrefaçon, etc.

10. Tout autre comportement malveillant dans le cadre d’une demande de marque.

Par ailleurs, les directives excluent du champ d’application de cette règle deux situations :

  • Le déposant dépose des marques identiques ou similaires à sa « marque de maison » dans différentes classes à des fins défensives. On pense notamment à la société américaine Starbucks qui a enregistré sa marque en Chine dans toutes les classes à des fins défensives.
  • Le déposant dépose des marques à l’avance pour une utilisation future dans le cadre de ses activités commerciales, par exemple si le déposant envisage une diversification de son activité.
  1. Amélioration des normes d’examen sur l’application de l’article 10 de la loi chinoise sur les marques

 L’article 10 concerne les signes dont l’enregistrement et l’utilisation en tant que marques sont interdits. Pour rappel, il s’agit des signes identiques ou similaires aux noms, drapeaux et autres emblèmes d’États et d’organisations internationales inter-gouvernementales, des signes discriminatoires, des signes trompeurs quant à la qualité, l’origine ou les caractéristiques des produits ou encore des signes nuisant à la morale, aux coutumes sociales, ou ayant des « influences malsaines ».

Les directives ont clarifié les normes d’examen applicables et ajouté notamment les dispositions suivantes :

  • Lorsqu’un signe contient un élément verbal identique ou similaire au nom d’un Etat, mais qu’en raison de la combinaison avec d’autres éléments, l’ensemble n’est pas identique ou similaire à ce nom, les directives précisent qu’un tel signe ne peut pas être déposé et utilisé comme marque.
  • Si la marque est identique ou similaire au portrait d’une personnalité publique et induit facilement le public en erreur, elle sera refusée à l’enregistrement.
  • Si la marque est identique ou similaire au nom ou au logo d’un établissement d’enseignement bien connu, d’une organisation sportive, d’une organisation de protection de l’environnement, d’une organisation caritative, etc., mais sans l’autorisation de l’organisation, elle induira le public en erreur et sera refusée à l’enregistrement.
  • Si la marque est identique ou similaire au nom (y compris les abréviations) ou au logo d’un événement important, d’une exposition importante, d’une découverte archéologique majeure, etc., mais sans l’autorisation de l’organisateur ou de l’autorité compétente, elle induira en erreur du public et sera refusée à l’enregistrement.
  1. Révision et amélioration des normes d’examen concernant le caractère distinctif d’une marque

L’article 11(3) de la loi chinoise sur les marques prévoit l’interdiction d’enregistrement des marques manquant de caractère distinctif. Les directives prévoient les clarifications suivantes à ce sujet.

i. Les directives qualifient les situations suivantes d’« autres situations dépourvues de caractère distinctif » entrant dans le champ d’application de l’article 11(3) :

  • la marque est constituée par l’emballage extérieur des produits désignés ;
  • la marque est le contenant ou le motif décoratif des produits désignés ;
  • la marque est composée d’un terme populaire ;
  • la marque est composée du nom complet du déposant (à l’exclusion des personnes physiques) ;
  • la marque est composée de mots à la mode sur Internet, d’émoticônes, d’un logo populaire, d’un nom de festival, d’aphorismes, etc.

ii. Modification de la règle de détermination du caractère distinctif des marques constituées de mots non distinctifs et d’un logo indépendant.

Selon les directives, si une marque se compose de parties verbales non distinctives ainsi que d’autres éléments indépendants, la marque dans son ensemble sera réputée dépourvue de caractéristiques distinctives. Par exemple, si une marque est composée à la fois d’une partie non distinctive 纳米 (nanomètre en chinois, terme utilisé pour désigner les nanotechnologies, et leur usage dans tous les domaines, par exemple dans le domaine de l’habillement avec le développement du « nano-textile ») et d’une partie figurative distinctive, la marque dans son entier sera considérée comme non-distinctive si elle désigne les vêtements en nano-textile en classe 25.

 

Les nouvelles directives de la CNIPA devraient permettre un renforcement de la protection des marques, en particulier contre les déposants de mauvaise foi, afin que les titulaires de droit puissent faire valoir leurs droits plus facilement. Elles montrent également que la CNIPA entend appliquer une position plus stricte dans l’examen et l’octroi des enregistrements, et ce, en réaction à l’augmentation constante et au nombre très important de dépôts réalisés en Chine ces dernières années.

Article rédigé par Fujuan DAI