Accélération de la délivrance d’un brevet en Chine
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Accélération de la délivrance d’un brevet en Chine

3 pistes possibles : la voie PPH, l’examen prioritaire ou le pré-examen

La procédure d’examen de brevet en Chine peut être accélérée, soit par la voie PPH (Patent Prosecution Highway), soit par le système d’examen prioritaire, soit par le système de pré-examen.

En Chine, un brevet d’invention est en général délivré en trois à cinq ans à compter de la date de dépôt, mais il arrive que la procédure dure plus longtemps.

Cette durée de procédure n’est pas anormale. Elle est comparable à celle des autres offices de propriété industrielle qui vérifient la brevetabilité de l’invention, objet du brevet, en prenant en considération l’état de la technique antérieure et en permettant au demandeur de défendre son dossier par un dialogue avec l’office.

Toutefois, dans la vie des affaires, certains déposants peuvent se trouver confrontés à la nécessité d’invoquer leur brevet délivré le plus vite possible. Devoir attendre une délivrance qui n’arrivera qu’après cinq ans de procédure peut s’avérer problématique. Il est alors appréciable de pouvoir recourir à des moyens d’accélération de procédure. La procédure officielle chinoise en prévoit trois.

Il est en effet possible d’accélérer la procédure devant l’Administration nationale chinoise de la propriété intellectuelle (CNIPA), soit par la voie « PPH » (Patent Prosecution Highway), soit dans le cadre du système d’examen prioritaire, soit via le système de pré-examen effectué par les centres locaux de protection de la propriété intellectuelle. Ces trois voies s’appliquent dans différentes circonstances et sous différentes contraintes et procurent divers avantages aux demandeurs.

1) Voie « PPH » 

La voie PPH (Patent Prosecution Highway) est bien connue hors de Chine en tant que procédure d’accélération de l’examen. Elle s’appuie sur le fait qu’un examen a déjà été réalisé par un autre office. Elle résulte donc de la coopération entre les différents offices de brevets pour partager les résultats de l’examen.

Plus précisément, lorsqu’au moins une revendication d’une demande déposée auprès d’un office de premier dépôt est définitivement considérée comme brevetable, le demandeur peut, de ce fait, déposer une requête auprès de l’office de second dépôt pour lui demander d’accélérer l’examen sur la base du résultat d’examen du premier.

La figure ci-dessous montre la chronologie des coopérations de type PPH entre la Chine et d’autres pays, régions ou organisations depuis 2011.

PPH avec la Chine
Image by CNIPA

Il existe trois sortes de PPH qui sont indiquées par la couleur des lignes verticales de la figure précédente :

  • le rouge pour le PPH conventionnel, consistant en des requêtes de PPH déposées auprès de l’office de second dépôt en se basant sur le résultat du travail domestique effectué par l’office de premier dépôt ;
  • le violet pour le PPH-PCT, consistant en des requêtes de PPH déposées auprès d’un office en se basant sur le résultat de la phase internationale PCT ;
  • le bleu pour le PPH-Mottainai, consistant à élargir les conditions d’acceptation de requêtes sur la base du PPH conventionnel, en y ajoutant les cas où le premier dépôt est effectué auprès d’un office tiers et l’office de second dépôt est le premier à obtenir un résultat d’examen.

Enfin, concernant la voie PPH, nous pouvons relever que, selon des statistiques fournies par la CNIPA fin 2019, il se passe en moyenne

  • 2,3 mois entre le dépôt de la requête PPH et la première notification d’examen, et
  • 10,3 mois entre le dépôt de la requête PPH et la décision finale (délivrance ou rejet).

2) Système de l’examen prioritaire

Ce système est spécifique à la Chine, mais on peut en trouver des formes similaires auprès d’autres offices, comme celui des États-Unis, pour favoriser certains domaines techniques considérés comme prioritaires par les autorités nationales.

En Chine, le système de l’examen prioritaire résulte d’un texte officiel intitulé « Mesures Administratives de l’Examen Prioritaire de Brevets » émis par la CNIPA le 27 juin 2017 et entré en vigueur le 1er août 2017 (ci-dessous nommées « les Mesures »), en remplacement des mesures du 1er août 2012.

Ces mesures s’appliquent aux trois types de brevet chinois, à savoir brevet d’invention, brevet de modèle d’utilité et brevet de dessin (ou « dessin et modèle »). L’extension du bénéfice de l’accélération aux modèles d’utilité et aux dessins est une conséquence spécifique au droit chinois de la propriété industrielle, qui englobe ces trois types de créations dans la catégorie des brevets.

Quelles demandes sont éligibles ?

Toutes les demandes ne sont pas éligibles à l’examen prioritaire.

La demande doit,

i) soit porter sur une des créations suivantes :

  • créations concernant une des industries clés que la Chine veut développer (économie d’énergie et protection de l’environnement, techniques informatiques de nouvelle génération, techniques biologiques, fabrication d’équipements avancés, nouvelles énergies, nouveaux matériaux, véhicules à nouvelles énergies, fabrication à intelligence artificielle, etc.)
  • créations concernant une des industries clés encouragées par les gouvernements des niveaux par les gouvernements locaux (provinces ou municipalités)
  • créations concernant un des domaines de l’Internet, des big data, du cloud computing, etc., où techniques et produits progressent très rapidement,

ii) soit remplir l’une des conditions suivantes :

  • le demandeur fait preuve lui-même d’une certaine diligence pour la mise en œuvre de sa création. Aussi, il est nécessaire qu’il soit prêt à mettre en œuvre ou ait déjà commencé à le faire, ou qu’il existe des preuves attestant que quelqu’un d’autre est en train de mettre en œuvre la création ;
  • la demande constitue le premier dépôt en Chine et une autre demande portant sur le même objet a été déposée à l’étranger ;
  • la demande est importante au regard des intérêts nationaux ou publics.

Quelles procédures ?

Il est possible de requérir un examen prioritaire pendant un examen ou un réexamen, c’est-à-dire avant délivrance, ainsi que pendant une procédure d’invalidation, c’est-à-dire après délivrance.

Quelles conditions pour les demandeurs ?

Le demandeur de la requête d’examen prioritaire doit se montrer réactif en répondant à toute lettre officielle dans un délai de 2 mois, pour un brevet d’invention, ou de 15 jours, pour un modèle d’utilité ou un dessin. À n’importe quel stade de l’examen, un défaut de diligence du demandeur aboutira à la cessation de la procédure d’examen prioritaire.

Quelles limitations ?

Il existe un certain nombre de limitations et nous vous invitons à vérifier votre situation avec l’aide d’un professionnel. En particulier, une limitation notable est à signaler.

Il n’est pas possible de requérir un examen prioritaire pour une demande de brevet ou un brevet délivré qui a déjà été soumis à un examen prioritaire sous le régime d’une convention bilatérale ou multilatérale signée entre la CNIPA et un office étranger de brevets.

Faut-il prévoir un surcoût ?

Une requête d’examen prioritaire n’exige pas de taxe officielle. Cependant, comme il est nécessaire de fournir des documents de l’art antérieur avec la requête, il faut prévoir une dépense additionnelle relative à l’établissement d’une recherche.

Quels résultats peuvent être espérés ?

Selon les Mesures, une requête d’examen prioritaire n’est pas toujours approuvée par la CNIPA. L’admission de la requête dépend, entre autres, du nombre de requêtes déposées, de la compétence d’examen de la CNIPA en fonction des différents domaines, du nombre de brevets délivrés lors de l’année précédente et du nombre de demandes en attente d’examen de l’année en cours.

De plus, la procédure d’examen prioritaire peut être stoppée à l’initiative de l’autorité qui conduit l’examen si celle-ci estime que les conditions ne sont plus remplies pour maintenir la priorité de traitement.

Toutefois, les effets de l’accélération sont très sensibles :

  • pour un brevet d’invention, une première lettre officielle sera émise dans un délai de 45 jours et l’examen aboutira dans un délai d’un an ;
  • pour un modèle d’utilité ou un dessin, toute la procédure aboutira dans un délai de 2 mois ;
  • un réexamen aboutira dans un délai de 7 mois ;
  • une procédure d’invalidation concernant un brevet d’invention ou de modèle d’utilité aboutira dans un délai de 5 mois ;
  • une procédure d’invalidation concernant un brevet de dessin aboutira dans un délai de 4 mois.

Il faut savoir en outre que, non seulement le déposant, mais aussi un office local de propriété intellectuelle, une cour populaire ou une organisation d’arbitrage, peuvent requérir un examen prioritaire concernant une procédure d’invalidation en déposant une requête exposant des motifs.

3) Système de pré-examen

Ce système est une spécialité chinoise. Le pré-examen consiste en un examen préalable d’une demande de brevet, généralement effectué par un centre local de protection de la propriété intellectuelle (à ce jour, une cinquantaine de centres ont été créés en Chine) ayant la juridiction sur la demande, en fonction du domicile du demandeur, avant que la demande de brevet ne soit officiellement déposée à la CNIPA, de sorte que les demandes de brevet éligibles puissent faire l’objet d’un examen accéléré par la CNIPA dans la foulée.

Tout comme dans le cas de l’examen prioritaire, seules les demandes de brevet remplissant un certain nombre de conditions assez strictes sont éligibles au pré-examen. En particulier, cette voie est ouverte uniquement aux demandes de brevet appartenant à des domaines techniques spécifiques de pointe, tels que les technologies de l’information de nouvelle génération, la fabrication haut de gamme, la biomédecine, les nouveaux matériaux et les technologies de l’environnement, dont la liste varie d’un centre de protection à l’autre. De plus, il semble qu’à ce jour ce système ne s’applique pas à des demandes dont les demandeurs sont des personnes physiques (quelle qu’en soit la nationalité) ou des entreprises étrangères.

Afin de bénéficier de ce système, le demandeur doit d’abord soumettre, au centre de protection de son domicile, une requête d’enregistrement, accompagnée des documents de support (copie de son extrait Kbis, documents permettant de prouver que les principaux produits liés à l’entreprise et l’investissement réel dans la R&D appartiennent à des domaines industriels couverts par le centre et que l’entreprise a la capacité de gérer les droits de propriété intellectuelle, etc.). Si, après examen, le centre considère que le demandeur est éligible, celui-ci sera enregistré auprès du centre. C’est une étape incontournable avant de demander un pré-examen pour les demandes de brevet remplissant des conditions imposées par les centres de protection.

Une fois enregistré, le demandeur doit déposer au centre de protection, pour chacune des demandes de brevet pour lesquelles il souhaite bénéficier de ce système, une requête en pré-examen avec la série de documents requis, dont le texte et les dessins de la demande de brevet, une lettre d’engagement, un pouvoir s’il passe par un cabinet qualifié auprès de la CNIPA (ce cabinet doit également être enregistré au même centre de protection).

Si la demande de brevet en question passe le pré-examen durant lequel l’examinateur procède à un examen de fond et de forme, le demandeur est tenu de déposer la demande de brevet (avec une requête en publication anticipée et une requête en examen de fond) auprès de la CNIPA dans un délai très court (qui dépend du centre de protection traitant la demande et variant généralement entre 2 et 5 jours ouvrés) à compter de la date d’émission de la notification positive de pré-examen et d’en informer, le jour même ou le lendemain, le centre avec, notamment, le numéro de la demande et la preuve de paiement des taxes officielles, pour que le centre fournisse à la CNIPA des informations de pré-examen relatives à la demande de brevet, pour un marquage de la demande. Une fois marquée, la demande entre alors dans la procédure d’examen accélérée de la CNIPA.

Dans cette procédure accélérée, pour la demande de brevet d’invention, le délai typique de réponse aux première et deuxième lettres officielles est respectivement de 10 et 5 jours à partir de la date d’émission. Si ce délai n’est pas respecté ou si la demande est jugée non brevetable après deux lettres officielles, elle entrera dans la voie d’examen ordinaire. Dans le cas d’une demande de modèle d’utilité ou de dessin, le demandeur ne peut qu’une seule fois présenter des observations et/ou modifier sa demande, dans un délai typique de 5 jours. De même, si ce délai n’est pas respecté ou si les objections soulevées par l’examinateur persistent, la demande sera soumise à la procédure d’examen ordinaire. Comme on peut le constater, ces délais sont extrêmement courts et demandent donc beaucoup d’efforts de la part du demandeur et de son mandataire.

En outre, les exigences relatives aux modifications du texte de la demande de brevet dans le cadre de la procédure d’examen accélérée grâce au pré-examen sont également très strictes. En particulier, aucune modification volontaire n’est autorisée, aucune demande divisionnaire ne peut être déposée, et les modifications visant à surmonter les objections doivent être minimales, dans la mesure du possible, et ne peuvent pas étendre la portée de protection de la revendication concernée. Le non-respect de ces exigences a pour conséquence de transférer automatiquement la demande en question à la procédure d’examen ordinaire.

Selon les statistiques, le recours à des services de pré-examen peut réduire considérablement la durée d’examen devant la CNIPA (un brevet d’invention pourrait être délivré généralement en 2 à 6 mois suivant son dépôt, et un modèle d’utilité en 1 mois et un dessin en quelques jours). Relevons que cette troisième voie est la plus rapide parmi les trois.

Relevons par ailleurs que le pré-examen en tant que tel est gracieux, de même que l’examen prioritaire, ce qui est évidemment un point d’accroche pour les demandeurs.

Etant donné que les conditions et les exigences pratiquées par chaque centre de protection peuvent être différentes, nous recommandons vivement de consulter le centre correspondant avant toute préparation afin d’éviter des travaux inutiles.

Conclusion 

Un demandeur qui veut accélérer l’examen peut choisir l’un des trois moyens offerts par la CNIPA et les centres de protection, en fonction de ses besoins et des contraintes imposées.

En dehors de ces trois solutions procédurales, il est aussi envisageable d’accélérer l’obtention d’un brevet en remédiant aux irrégularités de forme lors de la préparation du texte de la demande, en anticipant la publication de la demande, en déclenchant l’examen lors du dépôt de la demande, en réagissant activement et rapidement aux lettres officielles, ou encore en procédant à une entrée en phase chinoise anticipée en cas de dépôt PCT.

Article rédigé par Mei TAO, Li LIANG