Retour sur l’activité du tribunal de PI de la Cour Suprême

Publication de son premier rapport annuel

cour suprême
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Etabli en janvier 2019 dans l’objectif d’unifier les normes de jugement des affaires impliquant une forte technicité, le tribunal de PI de la Cour Suprême chinoise (ci-après dénommé le tribunal) a publié le 16 avril 2020 son premier rapport annuel portant sur l’année 2019.

Nous avions d’ailleurs déjà présenté cette nouvelle compétence au sein de la Cour suprême (https://chinepi.com/nouvelle-competence-de-la-cour-supreme-comme-juridiction-dappel-pour-les-affaires-de-pi/) et publié un article sur la première affaire traitée par ce tribunal dans l’affaire Valéo (https://chinepi.com/victoire-de-valeo-pour-le-premier-proces-en-pi-devant-la-cour-supreme-de-chine/ )

Pour rappel, ce tribunal a été établi au sein de la Cour Suprême nationale pour servir de juridiction de seconde instance pour les affaires civiles et administratives de propriété intellectuelle impliquant une forte technicité, telles que les brevets, les variétés végétales, les topographies de circuits intégrés, les secrets technologiques, les logiciels d’ordinateur, les monopoles, etc. Auparavant, pour ce type d’affaires de propriété intellectuelle, c’était la Haute Cour de la province, région autonome ou municipalité spéciale concernée qui recevait les appels issus des chambres spécialisées en propriété intellectuelle, des Cours intermédiaires ou des Cours de PI spécialisées.

Nous vous proposons de résumer ce rapport en présentant quelques chiffres intéressants.

  1. Nombre d’affaires traitées

En 2019, le tribunal a été saisi de 1945 affaires, dont 1433 ont été conclues.

  1. Provenance des affaires

Pour 99,6 % des affaires, la première instance a été traitée par des Cours intermédiaires, parmi lesquelles la Cour de PI de Pékin (376 procès), la Cour de PI de Canton (297 procès) et la Cour de PI de Shanghai (143 procès). Seulement 0.4% des procès sont issus de Cours supérieures. Il faut également savoir que le tribunal traite aussi certaines affaires civiles et administratives en première instance lorsque celle-ci sont jugées importantes ou complexes.

  1. Types d’affaires

Les 962 procédures civiles en seconde instance portaient sur les affaires suivantes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Parmi les 241 procédures administratives en seconde instance, les affaires concernaient les questions suivantes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1. Conclusions des affaires traitées par le tribunal

Parmi les 1 174 affaires conclues en seconde instance :

–     dans la majorité des affaires (62,3 % des affaires, soit 731 cas), les décisions de première instance ont été maintenues,

En particulier, parmi les 142 affaires administratives de deuxième instance, 88,7% (126 cas) de décisions ont été maintenues.

–     23,9% des affaires (280 affaires) ont fait l’objet d’un retrait,

–     dans 7,8% des affaires (92 affaires), les décisions de première instance ont été modifiées ou les affaires ont été renvoyées devant le tribunal de première instance pour que celui-ci révise sa décision,

–     6% des affaires se sont conclues par une conciliation.

Parmi les affaires conclues, dans 61,2% des cas, les titulaires de droit ont gagné le procès.

  1. Cycle de procédure devant le tribunal

–              pour les affaires de fond en seconde instance, le cycle de clôture moyen était de 73 jours,

–              pour les procès concernant uniquement la question de la compétence de la juridiction en seconde instance, le cycle de clôture moyen était de 29,4 jours.

–              en moyenne, chaque juge a traité 39,2 affaires.

  1. Affaires internationales (impliquant des parties étrangères, de Hong-Kong, Macao et Taiwan)

–              le nombre d’affaires traitées par le tribunal et impliquant des parties étrangères était de 174, ce qui représente 8,9% du nombre total de procès. 75 procès impliquaient des parties de l’Union européenne, 54 des États-Unis et 15 du Japon ;

–              98 procès ont été clôturés ;

–              sur les 35 affaires de fond clôturées, les parties étrangères (y compris de Hong-Kong, Macao et Taiwan) ont gagné dans 21 procès (soit 60% des affaires).

  1. Caractéristiques principales des affaires civiles de brevet

– dans de nombreux cas, l’interprétation d’une revendication ou la détermination de la contrefaçon par équivalence étaient les principaux sujets de litige ;

– les défenses les plus communes étaient les suivantes : la défense de source légitime, la défense de l’art antérieur et la défense de préemption.

  1. Caractéristiques principales des affaires administratives de brevet

– de nombreuses affaires impliquaient des brevets d’invention et concernaient des domaines de haute technologie ;

la condition d’activité inventive était le principal sujet de litige, représentant 70% des affaires administratives en matière de brevets, et parmi les affaires où la décision de première instance a été infirmée, 80% impliquaient un examen de l’activité inventive.

  1. Que doit-on retenir des chiffres présentés dans le rapport annuel ?

–              les affaires concernaient des domaines très variés, tels que les domaines pharmaceutique, génomique, des télécoms, mécanique, de l’agriculture etc.

–              certaines affaires ont attiré l’attention du public chinois

Ainsi, certains procès concernaient des brevets ayant une valeur considérable, par exemple, dans 17 procès, le montant de dommages et intérêts demandé dépassait les 10 millions de CNY (environ 1,3 millions d’euros). En outre, certains procès concernaient des brevets particulièrement médiatiques, tels que des brevets dans le domaine pharmaceutique, des technologies de pointe ou encore des SEP (Standards-Essential Patents).

–              la durée moyenne de traitement des affaires s’est améliorée

Les procès techniques durent souvent longtemps en raison de leur complexité technique et administrative. L’établissement du tribunal a permis de réduire de façon très nette le cycle moyen de procédure en seconde instance, qui est désormais de 73 jours. En comparaison, dans des statistiques officielles datant de 2012, le cycle moyen de traitement des affaires de PI en seconde instance était de 137 jours.

–              les procès croisés étaient nombreux

On parle de procès croisés lorsque plusieurs procédures sont lancées par deux parties concurrentes devant différents tribunaux, comprenant des procès administratifs et/ou civils. En cas de procès croisés, le tribunal essaie de les coordonner au niveau de la procédure et des règles de jugement. C’était d’ailleurs une des raisons de la création du tribunal que de diminuer les disparités dans l’application des lois.

–              Impartialité du tribunal et principe d’honnêteté

Les affaires internationales étant majoritairement gagnées par les parties étrangères, on peut donc en déduire que le tribunal a protégé de façon égale les droits des parties chinoises et étrangères (y compris de Hong-Kong, de Macao et de Taiwan).

De plus, lorsqu’il rend ses décisions, le tribunal prend en considération l’honnêteté des parties mais également les éventuels comportements de mauvaise foi tels que le refus d’exécuter une injonction, la destruction de produits sous mesures conservatoires etc. Ce principe d’honnêteté devrait permettre d’améliorer la protection des droits de propriété intellectuelle en Chine.

Par ailleurs, le tribunal a également publié une sélection de 36 affaires PI typiques de 2019 ainsi que 40 règles de jugement qui en découlent. Nous prévoyons de traiter certaines de ces affaires dans un prochain article.

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