En quoi est-il utile dans l’exercice des droits de brevet ?
En Chine, les modèles d’utilité (“MU”) et les dessins et modèles industriels (“designs”) font face à des défis spécifiques lors de l’exercice des droits, en raison de leurs caractéristiques uniques. Les MU concernent principalement des solutions techniques nouvelles et applicables liées à la forme du produit, à sa structure ou à leur combinaison, tandis que les designs portent sur des designs esthétiques et industriels nouveaux associant la forme, le motif, la couleur ou leurs combinaisons. Contrairement aux brevets d’invention, ces deux catégories de brevets ne subissent généralement pas d’examen de fond avant la délivrance, ce qui rend la stabilité de leurs droits moins certaine que pour les brevets d’invention. Le rapport d’évaluation des droits de brevet a été établi en Chine pour pallier partiellement cette lacune, offrant un soutien crucial aux titulaires de brevets dans l’exercice de leurs droits.
Dans notre article, nous vous présenterons le rôle d’un tel rapport dans différents scénarios.
1. Rôle dans les litiges en contrefaçon de brevet
- Base de référence pour les tribunaux dans le jugement de la contrefaçon
Dans les procédures judiciaires en contrefaçon de brevet, le rapport d’évaluation joue un rôle essentiel en matière de preuve. Conformément à l’article 66 de la loi chinoise sur les brevets, les tribunaux ou les autorités administratives compétentes peuvent exiger que le titulaire du brevet, ou toute partie intéressée, fournisse un rapport d’évaluation établi par la CNIPA. Ce rapport, fondé sur des recherches et analyses techniques approfondies, sert de preuve pour résoudre les litiges. Le titulaire du brevet, la partie intéressée ou le contrefacteur présumé peuvent également soumettre volontairement un rapport d’évaluation.
Par exemple, dans une affaire de contrefaçon de design traitée par la Première Cour intermédiaire de Chongqing, cette dernière a précisé que le rapport d’évaluation ne constitue qu’une preuve prima facie de la stabilité d’un brevet de design, et ne doit pas être considéré comme un document juridique définitif sur sa validité. Ainsi, les parties ne peuvent se fonder directement sur ce rapport pour apprécier la validité d’un brevet. Toutefois, le rapport possède une valeur certaine lorsqu’il s’agit de déterminer l’étendue de la protection conférée par un brevet de design. En comparant un design présumé contrefait avec le brevet de design en question, la cour se réfère souvent à l’analyse effectuée dans le rapport pour décider s’il s’agit d’une contrefaçon.
Cela démontre que les rapports d’évaluation, en fournissant un avis professionnel de la CNIPA sur la validité des MU ou designs, aident les tribunaux à traiter les affaires avec plus de précision et d’efficacité, tout en protégeant mieux les droits et intérêts légitimes des titulaires de brevets.
- Influence sur la décision de suspension du litige
Dans les litiges en contrefaçon de brevet fondés sur un MU ou un design, le tribunal doit en principe systématiquement suspendre le litige si une action en nullité a été formée contre le MU ou design, conformément à l’article 9 du document intitulé Plusieurs dispositions de la Cour suprême sur des questions concernant l’application de la loi dans les litiges en matière de brevets (« Dispositions de la Cour suprême »).
Cependant, selon ce même article 9, le tribunal peut décider de ne pas procéder à la suspension du litige, en particulier, si le plaignant a fourni un rapport d’évaluation positif.
- Influence sur la détermination de la mauvaise foi
Si le titulaire du MU ou du design engage une action en justice alors qu’il sait clairement que le rapport d’évaluation est négatif, cela peut être considéré comme un abus du droit de propriété intellectuelle. Par exemple, dans de nombreuses affaires, les cours ont considéré que le fait de dissimuler des rapports négatifs et de choisir de poursuivre un concurrent pendant une période critique, comme celle de sa préparation à une introduction en bourse, était manifestement malveillant et constituait un abus de droit.
2. Rôle dans la procédure d’invalidation de brevet
Le rapport d’évaluation, bien qu’il n’ait pas pour effet juridique de prouver la validité d’un brevet, peut également servir de référence aux examinateurs chargés de la procédure d’invalidation de brevet, les aidant à déterminer si un brevet doit être déclaré nul ou non. Dans la pratique, les documents de l’art antérieur et les analyses techniques présentés dans le rapport d’évaluation sont fréquemment cités par la partie initiant l’action en nullité à l’encontre du brevet.
Pour les titulaires de brevets, les rapports d’évaluation peuvent les aider à évaluer la stabilité juridique de leurs droits et à éviter des mesures inappropriées, telles que le dépôt d’une action en contrefaçon. Si les conclusions du rapport sont défavorables, le titulaire du brevet doit agir avec prudence, de façon, d’une part, à éviter de perdre son brevet, qui pourrait être attaqué par le contrefacteur dans le cadre d’une procédure d’invalidation, et d’autre part, à prévenir le risque d’être jugé comme agissant de mauvaise foi dans le litige en contrefaçon. Selon nous, il serait plus judicieux que le titulaire d’un brevet effectue lui-même ou confie à un organisme spécialisé une analyse de validité avant de demander un rapport d’évaluation officiel à la CNIPA. L’action en contrefaçon ne devrait être engagée que si la stabilité du brevet est confirmée comme élevée sur la base de l’analyse non-officielle.
3. Rôle dans les licences et cessions de brevets
Les rapports d’évaluation jouent également un rôle crucial dans le processus d’octroi de licences et de transfert de brevets. Pour les preneurs de licence ou les cessionnaires potentiels, il est important d’évaluer la stabilité et la valeur du brevet pour décider s’ils souhaitent coopérer et sous quelles conditions. Le rapport d’évaluation leur fournit une base de référence relativement objective grâce à une analyse de validité du brevet.
Si le rapport révèle que le brevet est d’une grande stabilité et d’une grande valeur, le preneur de licence ou le cessionnaire sera plus disposé à coopérer et pourrait accepter des conditions plus avantageuses pour la licence ou la cession.
Par exemple, une entreprise A, titulaire d’un MU, a fourni un rapport d’évaluation positif, lors des négociations de licence avec l’entreprise B. Cela a permis à l’entreprise B de mieux comprendre la valeur du brevet, facilitant ainsi la conclusion d’un accord de licence et la détermination rapide de redevances raisonnables. En revanche, si le rapport d’évaluation révèle un facteur d’instabilité ou une faible valeur du brevet, le preneur de licence ou le cessionnaire peut reconsidérer la nécessité et les conditions de la coopération, voire y renoncer.
4. Rôle dans les plaintes administratives
Les rapports d’évaluation sont également des éléments de preuve importants dans les plaintes administratives relatives aux brevets. Lorsque le titulaire d’un brevet découvre qu’une autre personne a violé ses droits sur un MU ou un design, il peut déposer une plainte auprès des autorités administratives compétentes pour demander une enquête sur la contrefaçon. Ces autorités, lorsqu’elles traitent des plaintes, demandent généralement aux brevetés de fournir des rapports d’évaluation afin de démontrer la légalité et la stabilité de leurs droits de brevet.
Par exemple, dans le cas d’une plainte pour contrefaçon de brevet portant sur un design, le plaignant a soumis un rapport d’évaluation à l’office local de la propriété intellectuelle. Ce rapport démontrait que son brevet de design était nouveau et qu’il se distinguait nettement des designs de l’art antérieur. Sur la base de ce rapport et d’autres éléments de preuve, l’office a conclu que le produit de la défenderesse violait les droits de design du plaignant, infligeant ainsi une sanction administrative à la défenderesse et maintenant les droits de brevet.
Cet exemple montre que les rapports d’évaluation dans les plaintes administratives ont une valeur de référence importante pour les autorités compétentes. Ils les aident à déterminer l’étendue de la protection des droits de brevet, à identifier les actes de contrefaçon et à prendre des mesures administratives, contribuant ainsi à améliorer l’efficacité et la précision des décisions rendues dans les plaintes administratives et à renforcer la protection des brevets.
5. Rôle de l’alerte précoce sur les risques de contrefaçon de brevets
Les rapports d’évaluation peuvent également servir d’outil pour l’alerte précoce des brevetés sur les risques de contrefaçon des brevets de leurs concurrents.
Les rapports d’évaluation font souvent référence à plusieurs brevets ou demandes de brevet de l’état de la technique, plus ou moins pertinents, accompagnés de commentaires de l’office sur la brevetabilité (stabilité) du brevet en question. En analysant ces informations, le titulaire du brevet peut réaliser une étude de liberté d’exploitation (FTO) sur ces brevets ou demandes de brevet vis-à-vis de ses propres produits vendus ou à commercialiser sur les territoires où ils ont été déposés.
Cette analyse permet d’identifier d’éventuels risques de contrefaçon et de prendre rapidement les mesures appropriées. Si le risque de contrefaçon apparaît significatif dans un pays donné, le titulaire de brevet peut adopter diverses stratégies, telles que renforcer le dépôt de brevets, intensifier la surveillance de la publication des brevets des concurrents dans ce pays, ou encore ajuster la conception de ses produits afin de contourner le brevet en question. Il peut également adapter sa stratégie commerciale pour limiter le risque de contrefaçon et protéger ses droits de brevet.
En conclusion
En résumé, le rapport d’évaluation des droits de brevet pour les MU et les designs joue un rôle important dans les différents scénarios d’exercice des droits de brevet. Il fournit aux titulaires de brevets une base pour évaluer la stabilité et la valeur de leurs droits de brevet, et constitue une référence importante pour les tribunaux, les autorités administratives et les parties intéressées pour juger de l’étendue de la protection et des éventuelles violations des droits de brevet. En outre, il contribue à faciliter la conclusion d’accords de licence et de transfert de brevets, renforce la protection des droits de brevet et contribue à maintenir des conditions de concurrence équitables sur le marché. Il convient de prêter une attention particulière à la demande et à l’utilisation du rapport d’évaluation, à l’exercice rationnel des droits de brevet, et ce pour maximiser la valeur du brevet.
Article rédigé par Mei TAO