Brevets essentiels : les Chinois s’affrontent en Europe

Les entreprises chinoises sont de plus en plus actives sur le terrain des brevets en Europe. Nous savions déjà qu’elles figurent depuis quelque temps parmi les principaux déposants de brevets auprès de l’OEB (+18,2% en 2014). Nouveauté : elles s’affrontent désormais devant les juridictions en Europe.

Huawei, entreprise chinoise spécialisée en technologies de l’information et de la communication (TIC), est de plus en plus connue en Europe entre autres pour ses smartphones, et est devenue le 1er déposant mondial de demandes PCT en 2014. Elle a récemment agi en justice en Allemagne contre ZTE, une autre société chinoise dont les smartphones sont également reconnus, et qui est quant-à-elle le 3ème déposant mondial de demandes PCT.

Cette affaire a fait parler d’elle puisque le renvoi de la justice allemande à la Cour de justice de l’Union européenne a permis à cette dernière de se prononcer sur l’abus de position dans la gestion des brevets essentiels (rappelons que la Chine avait été amenée à se prononcer sur la question également).

Voici un article présentant tout d’abord la question complète à laquelle la Cour a répondu, avant de donner quelques définitions en vue de comprendre le litige qui est à l’origine de cette question et en quoi consistent les réponses apportées par la Cour.

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Une « communauté de brevets » pour l’essor des robots en Chine

Le développement des robots en Chine est l’une des solutions envisagées par le gouvernement chinois  pour améliorer l’image du « Made in China » en privilégiant la qualité des produits, tout en augmentant la productivité des entreprises.

Le passage du « fabriqué en Chine » vers le « conçu en Chine » …

La Chine, par l’intermédiaire de son premier ministre Li Keqiang, a dévoilé au milieu de l’année 2015 son plan destiné à dynamiser la croissance chinoise pour les dix années à venir. Pour rappel, ce plan, intitulé « Made in China 2025 », vise principalement dix secteurs clés de l’économie, à savoir les machines-outils à commande numérique, les robots, les nouvelles technologies de l’information, les équipements aéronautiques, les équipements d’ingénierie océanique et les navires high-tech, les équipements ferroviaires, les véhicules à énergies nouvelles, les nouveaux matériaux, la biomédecine et les machines agricoles.

Ce plan comprend notamment des investissements du gouvernement afin de favoriser les politiques de recherche et développement des entreprises ainsi que le dépôt de demandes de brevets, avec en ligne de mire l’objectif d’une transition du « fabriqué en Chine » vers le « conçu en Chine ». Pour cela, la Chine prévoit notamment la création de quinze centres d’innovation pour 2020, puis quarante pour 2025.

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Marque sonore : une première en Chine !

Elle se faisait attendre, voilà qu’elle arrive : d’après l’information donnée par la SAIC (State Administration of Industry and Commerce) le 13 février 2016, la demande d’enregistrement d’une marque sonore a été acceptée en Chine pour la toute première fois.

Cette demande a été déposée par China Radio International le 4 mai 2014, soit trois jours après l’entrée en vigueur du dernier amendement de la Loi des marques qui permet expressément l’enregistrement d’une marque sonore.

Cette marque désigne les classes 35 (publicité, gestion des affaires commerciales), 38 (télécommunication), 41 (éducation, formation, divertissement) et 42 (services scientifiques et technologiques). La description de la marque comprend à la fois une représentation graphique (une portée musicale) et une description textuelle. Une version audio de 40 secondes est également disponible.

Les statistiques montrent que jusqu’à la fin janvier 2016, 450 demandes d’enregistrement de marques sonores ont été déposées au CTMO (China Trade Mark Office).

Face à ce genre de marque qui ne repose plus sur la vision, comme c’est le cas des marques « classiques », mais sur l’ouïe du consommateur, la SAIC a pris soin de définir les critères d’examen (de forme et de fond) des marques sonores dans un document administratif déterminant la procédure d’examen du CTMO.

Ce document confirme la possibilité d’enregistrer les sons musicaux ou non musicaux, et précise la description nécessaire à travers des exemples concrets. Il est également rappelé que l’examen du CTMO porte sur le caractère distinctif du signe qui, pour les marques sonores, s’acquiert généralement par l’usage.

Cet enregistrement de marque sonore est peut-être le premier d’une longue série en Chine. En Europe, le nouveau Règlement sur la marque européenne qui supprime la condition de représentation graphique pour une marque va peut-être également permettre d’admettre plus facilement l’enregistrement de marques sonores.

 Article rédigé par Yi QIN, du cabinet LLRllr_new

La Chine, le vrai moteur de croissance en PI

La Chine ne fait pas parler d’elle uniquement pour sa croissance en termes de brevets. Selon le « Rapport annuel de marques » publié par Thomson Compumark fin décembre 2015, avec plus de 1,7 millions de nouvelles marques, la Chine a vu son taux global de croissance de marques enregistrées bondir de 71 % en 2014, occupant toujours la place leader parmi 186 registres dans le monde.

Les classes les plus demandées dans le pays restent les classes 25, 29, 30, 35 et 43, relatives aux produits et services en rapport avec les vêtements et les aliments.

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Questions-réponses : ce modèle d’utilité dont on parle tant en Chine

Le dépôt de modèle d’utilité est très pratiqué en Chine, surtout par les déposants chinois et probablement pas assez par les étrangers, nous l’avons déjà vu (voir notre article L’utilité des modèles méconnue des étrangers). Voici quelques réponses à des questions que l’on se pose souvent sur cette pratique peu connue en France.

Un modèle d’utilité, qu’est-ce que c’est ?

Le modèle d’utilité (« utility model patent ») est l’un des trois types de brevets existants en Chine, à côté du brevet d’invention (« invention patent »), équivalent à un brevet classique tel que le brevet français, et du brevet de dessin (« design patent») qui correspond à un dessin et modèle en Europe, pour protéger les formes esthétiques.

Selon les dispositions de la loi chinoise sur les brevets, le modèle d’utilité désigne des solutions techniques nouvelles qui s’appliquent à la forme, à la structure du produit ou à la combinaison des deux.

En pratique, on dit qu’il s’agit d’un « petit brevet », qui permet de protéger tout ce qui est de l’ordre du dispositif.

Quelle est sa durée de vie ?

Un modèle d’utilité a une durée maximale de 10 ans à compter de la date de dépôt, à supposer bien sûr que l’on paie les annuités jusqu’à la fin.

Quelles sont ses conditions de validité ?

Comme pour un brevet d’invention, une demande de modèle d’utilité doit répondre aux exigences de nouveauté, d’activité inventive et d’utilité pour être valide.

Néanmoins, concernant l’exigence d’activité inventive, elle s’applique légèrement différemment de celle qui concerne le brevet, tout particulièrement concernant l’état de la technique opposable (voir notre article Un modèle d’utilité plus solide qu’un brevet ? pour plus de précisions), de sorte que l’on peut considérer que l’exigence d’activité inventive est moins élevée pour un modèle d’utilité que pour un brevet.

Par ailleurs, il faut bien avoir en tête que normalement, le SIPO (office chinois des brevets) n’effectue pas d’examen sur la nouveauté et l’activité inventive avant la délivrance du modèle d’utilité, uniquement en cas de litige ultérieur. Ainsi, il est aisément possible d’obtenir un modèle d’utilité délivré, en apparence valable, pour une invention qui n’est pas valable sur le fond.

Qu’est-ce que l’on ne peut pas protéger par modèle d’utilité?

Comme cela ressort de la définition donnée plus haut, seul le produit est protégeable par le modèle d’utilité chinois. En d’autres termes, on ne peut pas l’utiliser pour protéger un procédé (mais une machine pour mettre en œuvre le procédé oui), une composition chimique, une microstructure ou encore un objet existant dans la nature sans être fabriqué par l’Homme.

Quelle est la durée de procédure d’obtention d’un modèle d’utilité?

modèle utilitéDans le cadre d’un dépôt par voie électronique, nous constatons qu’un modèle d’utilité est généralement délivré en 4 à 12 mois à compter de la date de dépôt. S’il n’y a pas d’irrégularité à surmonter après le dépôt, on aura généralement la délivrance en 4~6 mois.

Pourquoi les chinois déposent tant de modèles d’utilité?

Le modèle d’utilité est traditionnellement utilisé par les déposants chinois en raison de la rapidité et de la facilité de la délivrance, et des coûts relativement faibles par rapport à un brevet d’invention classique.

Par ailleurs, bien qu’il n’y ait pas d’examen de fond, un modèle d’utilité n’est pas toujours facile à invalider car l’exigence d’activité inventive pour un modèle d’utilité peut être moins élevée que pour un brevet d’invention.

Enfin, le nombre de modèles d’utilité déposés est pris en compte pour qu’une société puisse acquérir le statut HNTE (High and New Technology Enterprise), statut procurant des avantages fiscaux.

Pourquoi les étrangers n’en déposent pas ?

Il semble que les étrangers n’ont pas beaucoup de connaissances sur les avantages du modèle d’utilité en Chine et procèdent en Chine comme ils le font dans leur pays habituel, via des brevets d’invention (pour plus de précisions voir notre article L’utilité des modèles méconnue des étrangers). C’est peut-être la raison principale pour laquelle ils en déposent très peu.

Pourquoi les étrangers ont intérêt à déposer davantage de modèles d’utilité?

Voir notre article De l’utilité des modèles en Chine qui développe les avantages du modèle d’utilité : coûts faibles, délivrance très aisée, publication rapide, difficulté à invalider, etc.

 

Les saisies douanières d’office en Chine

Alors que Laurent Fabius annonçait que « le monde retient son souffle, il compte sur nous » lors de la COP21 en décembre, les chinois le retenaient encore davantage, dans un moment où l’air était considérablement pollué.

C’est dans ce contexte que les douanes de Shanghai annonçaient les saisies douanières d’office de 120 000 masques de respiration anti-pollution contrefaisants, le 8 décembre 2015.

Selon les informations données par China News Service, ces masques de respiration, censés être fabriqués par la société américaine 3M, ont été découverts dans deux lots de produits à exporter vers un pays africain. Un réseau illégal de production et de distribution de ces masques contrefaisants a été déjoué ultérieurement.

Voici l’occasion de présenter ce que sont les saisies douanières d’office en Chine, lesquelles présentent un certain nombre d’avantages par rapport aux saisies douanières sur demande.

Renforcement récent du contrôle douanier

Depuis début 2015, les douanes chinoises montrent clairement leur fermeté pour freiner les contrefacteurs, en menant une action dite de « Qingfeng » (la brise) sur les produits d’import et d’export.

Cela en vue d’améliorer la protection des titulaires de droits de propriété intellectuelle (PI) et tenter de rompre avec la mauvaise image des produits « fabriqués en Chine ».

Pour ce faire, les douanes cherchent de plus en plus à coopérer avec les entreprises titulaires de droits, par le mécanisme de la déclaration douanière -que nous détaillons ci-après-, ce qui leur permet de mieux connaître les caractéristiques des produits contrefaits.

Désormais, la possibilité de déclaration en ligne renforce indirectement les droits des titulaires face aux produits contrefaisants en facilitant la procédure. Les instructions relatives à cette déclaration sont disponibles en anglais.

Déclaration douanière de vos droits

Si vous êtes titulaire de droits de PI en Chine, il est bon de savoir que, contrairement au rôle actif des douanes françaises qui peuvent intervenir même sans demande du titulaire quand la contrefaçon est avérée, les douanes chinoises ne sont pas en droit d’exercer les saisies douanières d’office sans vos déclarations de droit auprès de l’Administration générale des douanes.

Ce régime de déclaration douanière s’approche des saisies-douanières à titre préventif en France, suivant lequel une demande d’intervention doit être préalablement déposée par le titulaire au service des douanes. Cette demande d’intervention, en France, est valable 1 an et renouvelable.

S’agissant de la déclaration en Chine, elle est valable pour une durée de 10 ans renouvelables pour tous les droits de PI : droit d’auteur, marque, brevet, dessin et modèle ou modèle d’utilité. Les marques internationales désignant la Chine sont également admises à la déclaration.

Une procédure avantageuse à un coût raisonnable

Outre ses effets contraignants pour les contrefacteurs, cette déclaration douanière présente un certain nombre d’autres avantages concrets :

  • Condition préalable des saisies douanières d’office. Avec la déclaration du titulaire, les douanes sont en droit de procéder à une saisie, sans demande préalable du titulaire.
  • Détection facilitée de produits contrefaisants. Face aux produits contrefaisants qui s’approchent de plus en plus des produits authentiques, toutes les informations fournies par le titulaire sur le titre de PI, telles que les éventuelles licences d’exploitation, les moyens de distinction déjà connus, etc. permettent une détection plus facile des produits contrefaisants par les douanes.
  • Poursuites judiciaires ultérieures non obligatoires. Le titulaire d’un droit déclaré n’est pas obligé d’engager des poursuites dans un délai de 20 jours suivant le jour des saisies (contrairement à ce qui se passe dans les saisies douanières sur demande).
  • Dépôt de garantie plafonné. Au moment des saisies douanières sur demande, un dépôt de garantie d’un montant égal à la valeur des produits saisis va être exigé au demandeur des saisies. En ce qui concerne les droits de PI déclarés aux douanes, le montant du dépôt de garantie est plafonné à 100 000 yuans (CNY), soit 13,500 euros environ.

Les frais de la déclaration pour chaque titre de propriété intellectuelle étaient jusqu’à peu de 800 yuans, soit 112 euros environ, mais sont désormais exonérés depuis fin 2015. Relevons qu’une déclaration n’est valable que pour un seul titre.

 

Article rédigé par Yi QIN, du cabinet LLRllr_new

 

En route vers les véhicules électriques en Chine !

D’ici 2020, la Chine est destinée à devenir le premier marché de véhicules électriques au monde. Pour les acteurs de l’industrie automobile, cette perspective représente une échéance à ne pas rater. L’analyse des brevets en Chine, dans le domaine de la voiture électrique, depuis le début des années 2000, montre que les acteurs chinois se démarquent de leurs concurrents internationaux par leurs choix technologiques, privilégiant notamment les batteries rechargeables par rapport aux piles à combustible, comme ressources embarquées.

5 millions de véhicules électriques d’ici 2020, tel était l’ambitieux projet du gouvernement chinois lancé en 2010 afin de permettre une réduction significative du CO2 rejeté dans l’atmosphère. Cet objectif apparaît comme étroitement lié à l’analyse faite par le ministère chinois de l’environnement, révélant que « 90 % des villes chinoises dépassent les seuils de pollution considérés comme sans risques par l’OMS ». En dépit d’un objectif chiffré revu à la baisse, pas moins d’un million de véhicules électriques est attendu sur les routes chinoises en 2020, faisant ainsi de la Chine le premier marché mondial pour les voitures électriques.

voiture1. Qu’est-ce qu’un véhicule électrique ?

Un véhicule électrique est, par définition, un véhicule qui n’utilise qu’un moteur électrique pour se mouvoir, contrairement aux véhicules thermiques ou hybrides qui embarquent toujours, au moins, un autre moteur, le plus souvent thermique.

full electric L’énergie nécessaire au fonctionnement des véhicules électriques, c’est-à-dire à l’actionnement du moteur électrique, provient de ressources embarquées capables de fournir et/ou de stocker de l’énergie électrique. L’énergie embarquée, pour ce type de véhicules, provient très souvent de batteries rechargeables, même si ces dernières n’assurent pas encore une autonomie suffisante pour les longs trajets. Il existe également des alternatives moins fréquentes pour la fourniture de cette énergie, telles que les piles à combustible, qui présentent l’inconvénient de nécessiter un réservoir pour stocker la source d’alimentation de la pile (e.g. hydrogène, méthanol), ou les super-condensateurs, qui ne possèdent qu’une capacité de stockage réduite par rapport aux batteries. Bien entendu, des combinaisons de ces ressources embarquées sont également possibles.

Afin d’atteindre l’objectif annoncé, la Chine, par l’intermédiaire de ses industries et de ses universités, s’intéresse à tous les composants de la voiture électrique, et tout particulièrement aux moteurs et aux batteries, délaissant quelque peu les piles à combustible qui semblent représenter une solution pour un horizon plus lointain. De ce fait, pour les acteurs locaux, l’accent est clairement mis sur les « battery electric vehicles » (BEVs) et sur les « plug-in hybrid electric vehicles » (PHEVs).

2. Quelques données brevets illustrant le projet chinois

Du point de vue de la propriété industrielle, le gouvernement chinois avait fixé comme objectif d’atteindre 3000 titres chinois (brevets, dessins et modèles d’utilité confondus), détenus par des entités chinoises, d’ici 2015. D’après une étude McKinsey (1), cet objectif a été atteint et même largement dépassé à hauteur de 164 %, à la fin du premier trimestre 2015.

Par ailleurs, s’ajoute à cet ambitieux projet l’ouverture aux entreprises étrangères d’un marché jusqu’ici réservé aux constructeurs nationaux. Il n’est alors pas surprenant de constater, sur les dix dernières années, une augmentation significative du nombre de dépôts sur le territoire chinois de demandes de brevets liées au diverses technologies présentes sur les types de véhicules mentionnés. Cependant, une très grande majorité de ces dépôts est à mettre à l’actif d’entreprises étrangères, désireuses de s’octroyer les places de choix pour ce nouveau marché aux perspectives très intéressantes.

Regardons de plus près l’exemple des dépôts de brevets en Chine concernant les technologies relatives aux moteurs électriques pour ces véhicules. D’après une étude du « German Aerospace Center (DLR) – Institute of Vehicle Concepts » (2), la Chine est le pays qui connaît, dans ce domaine, la croissance la plus importante sur la période 2000-2012, notamment depuis 2010, passant ainsi d’une dizaine de demandes de brevets à plus de 3000 en 2012. Ces chiffres sont à corréler avec l’origine des déposants dans ce domaine technologique qui sont en grande majorité étrangers. En effet, l’analyse des entreprises les plus inventives dans ce domaine révèle que, non seulement les entreprises japonaises comme Toyota, Honda ou Nissan conservent leur position de leaders mondiaux, mais également que les premières entreprises innovantes chinoises, à savoir Chery Automobile and BYD, sont très loin derrière.

Sur le plan des technologies des ressources embarquées, une grande majorité des acteurs mondiaux de l’automobile, comme Toyota, a opté pour le développement des technologies relatives aux piles à combustible et a, par conséquent, acquis un portefeuille de brevets traduisant cette volonté, y compris en Chine où Toyota détenait fin 2012 plus de 700 brevets pour ces technologies. L’avance prise par Toyota d’un point de vu mondial, sur cette technologie, l’a même amené en début d’année 2015 à imiter la société Tesla qui, comme elle un an auparavant, avait rendu accessible à la concurrence une partie de son portefeuille de brevets, dans un but annoncé de ne pas favoriser le développement des technologies protégées par les brevets concernés. Un tel geste n’a cependant pas dû énormément intéresser les acteurs chinois qui, comme expliqué précédemment, ont préféré focaliser leurs recherches sur les technologies des batteries rechargeables, une focalisation qui est relevable lors de l’analyse de leurs brevets.  batterie

A la différence de la technologie des piles à combustible, pour laquelle les acteurs chinois sont bien loin de leurs concurrents japonais et sud-coréens, les constructeurs automobiles chinois apparaissent comme des leaders en matière de BEVs. En effet, quatre d’entre eux (BYD, Chery, Changan et Geely) possédaient, fin 2012, les quatre portefeuilles de brevets les plus importants en Chine relatifs à ces technologies, reflétant ainsi l’option prise quelques années auparavant (3).

Conclusion

Afin de répondre au défi lancé par le gouvernement chinois et ainsi de s’octroyer une place de choix d’ici 2020 dans ce nouveau marché chinois de la voiture électrique, l’industrie automobile chinoise a fait des choix différents de ceux de la grande majorité de ses concurrents internationaux, concernant notamment les technologies liées aux moteurs et aux ressources embarquées, acquérant, par conséquent, des portefeuilles de brevets tout aussi différents. Les (cinq) prochaines années révèleront si ces choix étaient les bons.

 

(1) « Supercharging the Development of Electric Vehicles in China » – McKinsey-China_Electric-Vehicle-Report_April-2015-EN-1

(2) « Patent Landscape of Electric Machine Technologies for Electric Mobility » – EVS28 KINTEX, Korea, May 3-6, 2015

(3) « The research on technological innovation of Chinese automobile industry based on patent mapping » – Advances in Services Science and Services Information Technology (Set)

Chine : le Conseil d’État encourage la protection de la propriété intellectuelle

Le Conseil d’Etat chinois confirme la volonté du gouvernement chinois de poursuivre la construction de son système législatif de protection de la propriété intellectuelle. Il annonce les prochains développements en ce sens : savoir-faire, variétés végétales, politiques d’incitations fiscales à l’innovation, sanctions accrues en cas de litige, amélioration des procédures et contrôle des abus de position dominante sont au programme.

Le 22 décembre dernier, le Conseil d’État chinois a publié un avis sur la construction du système de protection de la propriété intellectuelle dans les prochaines années. 

Dans cet avis, le Conseil d’État chinois invite le pays à obtenir, d’ici 2020, des résultats concrets dans le domaine de l’amélioration de l’entrepreneuriat et de l’innovation, afin d’obtenir un avantage dans la compétition mondiale en matière de propriété intellectuelle.

4 axes de développement, 5 mesures essentielles

A cet effet, le Conseil d’Etat chinois évoque quatre axes de développement, à savoir le pilotage stratégique, la réforme et l’innovation, l’orientation vers le marché et une approche plus globale.

Ces axes passeront par cinq mesures essentielles :

– la promotion de la réforme dans l’organisation de l’administration de la propriété intellectuelle,

– le maintien d’une protection ferme de la propriété intellectuelle,

– la promotion de la propriété intellectuelle,

– la consolidation de la propriété intellectuelle au niveau international par le biais de la prévention dans des industries clef, et enfin

– l’amélioration continue dans la coopération internationale en matière de propriété intellectuelle.

Recommandations du Conseil d’État

De façon plus concrète, le Conseil d’Etat chinois recommande notamment d’agir dans les domaines suivants :

Savoir-faire : il recommande de légiférer encore davantage dans le domaine du savoir-faire, de manière à protéger ce savoir-faire dans le cadre de la mobilité salariale et de la coopération technologique inter-entreprises.

Variétés végétales et indications géographiques : le Conseil d’Etat chinois appelle de ses vœux la construction d’une législation au sujet des variétés végétales, ressources génétiques et du savoir-faire traditionnel. Une législation spécifique sur les indications géographiques est attendue (voir notre article pour des précisions à ce sujet).

Politique d’incitation fiscale à l’innovation : il est question de mettre en place un programme de déductions fiscales en matière de recherche et développement – un crédit impôt-recherche à la mode chinoise ?

Dommages et intérêts dans les litiges en contrefaçon : la volonté d’augmenter les sanctions est à nouveau réitérée (voir notre article à ce sujet). Le Conseil d’Etat chinois appelle également à un renforcement de la coopération internationale dans les affaires pénales liées à la propriété intellectuelle.

Amélioration des procédures de dépôt et d’examen : une incitation au dépôt électronique par la simplification des procédures est jugée souhaitable, de même que le développement des programmes du type PPH (Patent Procecution Highway).

Abus de position dominante : le Conseil d’Etat chinois appelle à développer une législation permettant de punir les éventuels abus des propriétaires de brevets essentiels et les comportements d’attribution de licences pouvant entraver le droit de la concurrence.

Encore une fois, la Chine, par l’intermédiaire de cet avis rendu par son Conseil d’Etat, affiche sa volonté de devenir une puissance incontournable dans le monde de la propriété intellectuelle en s’alignant sur les législations existantes dans les pays occidentaux, tout en affichant clairement son attachement à ses particularités régionales.

 

Protection par le secret en Chine, un témoignage

Après vous avoir présenté un article relatif à la protection de la propriété intellectuelle par le secret en Chine, nous vous proposons aujourd’hui une étude de cas sur ce même sujet, l’exemple d’une société néerlandaise produisant des produits chimiques pour lutter contre la poussière sur certains sites, ayant mis en œuvre une protection par le secret.

Cet article a été initialement rédigé en anglais par le China IPR SME Helpdesk.

Étude de cas de propriété intellectuelle : Garder les secrets de fabrique

Presque toutes les entreprises dans toutes les industries et secteurs possèdent des secrets de fabrique. Les secrets de fabrique sont une forme précieuse et très utile de la propriété intellectuelle qui est néanmoins souvent sous-estimée et négligée par leurs propriétaires. Ce n’est pas moins le cas dans le secteur des services, où la valeur relative des secrets de fabrique, comme des actifs incorporels, peut être extrêmement élevée. Par exemple, une entreprise de logistique peut ne détenir que peu de brevets, peu de marques ou de droits d’auteur, mais la valeur de ses opérations pourrait fortement provenir des informations contenues dans ses listes de clients et procédures de fonctionnement habituelles.

Un avantage considérable pour les secrets de fabrique est que, contrairement à d’autres formes de droits de propriété intellectuelle, comme les brevets et droits d’auteur qui ont une durée déterminée, les secrets de fabrique peuvent théoriquement bénéficier d’une durée de protection infinie tant que le secret de fabrique reste à l’état de secret. La principale différence entre protéger quelque chose par brevet ou par secret est qu’alors que l’information technique est publiquement divulguée dans les brevets, elle est maintenue à l’écart de la scène publique dans les secrets de fabrique. Un secret de fabrique peut durer éternellement, tant que les mesures de confidentialité qui le protègent continuent de fonctionner. Un brevet d’invention expire habituellement au bout de 20 ans.

D’autre part, la protection juridique des secrets de fabrique est facilement perdue. Une fois que l’information devient une information publique, elle ne bénéficie plus d’aucune protection juridique. En conséquence, la prévention est la règle d’or quand il s’agit de protéger vos secrets de fabrique, car une fois que votre secret est dévoilé, votre marge de manœuvre est extrêmement réduite pour agir. La Chine, comme la plupart des autres pays, fournit un cadre juridique pour la protection des secrets de fabrique, et la loi prévoit des recours dans le cas où vos secrets de fabrique sont illégalement divulgués.

Etude de cas :

La PME néerlandaise Wuvio est un leader du marché dans la production de produits chimiques pour lutter contre la poussière des sites de construction, des producteurs d’énergie, des mines et des entreprises diverses. Wuvio travaille avec des solutions uniques, qui nécessitent une approche structurée de la propriété intellectuelle. Rob te Braake, représentant de Wuvio en Chine, partage ses expériences et donne quelques conseils pratiques pour toute entreprise qui cherche à protéger ce genre de portefeuille de propriété intellectuelle.

Wuvio était actif en Europe pendant 11 années lorsqu’ils ont décidé qu’il était temps de s’exporter en Chine. « Beaucoup d’entreprises actives dans le même secteur économique prétendent offrir ce que nous offrons, mais leurs solutions ne sont soit pas aussi efficaces, soit plus chères, ou encore non biodégradables. Cela nous donne un fort avantage en Chine », déclare Rob avec confiance. « Nous avons d’abord mis en place une société à responsabilité limitée à Hong Kong en 2011, puis nous nous sommes étendus dans la Chine continentale en 2013. »

Wuvio a prudemment développé une marque chinoise et l’a enregistrée en Chine, mais selon Rob, la partie la plus importante de la stratégie de propriété intellectuelle de l’entreprise réside dans leurs secrets de fabrique : « Nous n’avons aucun brevet déposé en Europe ou en Chine, parce que nous ne voulons pas que nos solutions chimiques tombent dans le domaine public dans 20 ans. Nous n’aimons également pas dépendre de droits exécutoires, car en tant que PME, nous ne disposons tout simplement pas des ressources pour poursuivre des contrefaçons. La prévention est la clé pour nous. »

« Nous importons actuellement les produits des Pays-Bas, mais même si nous déplacions la production vers la Chine, nous garderions toujours la production des composants primordiaux aux Pays-Bas, parce qu’ils sont la clé de nos produits», poursuit Rob. « Nous avons nous-mêmes vérifié si la formule de nos solutions peut facilement être extraite par ingénierie inversée, mais les nombreuses tentatives n’ont pas réussi. Je suis donc convaincu que nos solutions sont correctement protégées de cette manière ».

Comme recommandation finale, Rob ajoute qu’il est important de travailler avec un avocat qualifié qui connaît le système de propriété intellectuelle chinois, et que faire des affaires en Chine nécessite beaucoup de patience : « Se familiariser avec le monde des affaires chinois, les différences culturelles et la distance entre votre siège social en Europe et le bureau en Chine peut être difficile au début, mais vous vous y habituerez. Vous avez juste besoin d’être confiant et de trouver les bonnes personnes avec qui travailler ».

Leçons apprises:

  • Évaluer si vos innovations et votre technologie seraient mieux protégées par des secrets de fabrique ou par des brevets délivrés.
  • Ne divulguer aucune information utile, sauf si c’est absolument nécessaire.
  • Construire un réseau solide de partenaires et d’employés commerciaux de confiance et conclure des contrats bien rédigés des accords de non-divulgation et de non-concurrence.

Article rédigé par le IPR HelpdeskChina Helpdesk

The China IPR SME Helpdesk is a European Union co-funded project that provides free, practical, business advice relating to China IPR to European SMEs. To learn about any aspect of intellectual property rights in China, visit our online portal at www.china-iprhelpdesk.eu. For free expert advice on China IPR for your business, e-mail your questions to: question@china-iprhelpdesk.eu. You will receive a reply from one of the Helpdesk experts within three working days.

 

Traduit de l’anglais vers le français par Louis FONLUPT, du cabinet LLRllr_new

Affaire Moncler : coup de chaud pour les contrefacteurs !

Connue pour ses doudounes brillantes de luxe, la marque italienne Moncler a également eu l’occasion de se faire connaitre par les non amateurs de mode : elle a remporté un litige en contrefaçon en Chine le 23 avril 2015. Le tribunal lui a octroyé des dommages et intérêts d’un montant de 3 millions de RMB (soit environ 430 000 euros), le montant maximal exigible dans le cas où les juges chinois ne disposent pas de suffisamment de preuves pour établir le préjudice subi, selon la nouvelle loi chinoise des marques qui est entrée en vigueur depuis 2014.

L’histoire se répète pour Moncler comme pour les autres marques qui connaissent un succès en Chine : une société d’habillement pékinoise s’était mise, au moins depuis 2013, à la fabrication des doudounes portant la marque Moncler et une marque similaire « Monckner ». Afin d’améliorer ses commandes, les produits contrefaisants étaient disponibles directement depuis son site Internet « http://www.monckner.com ».

Toutefois, bien que les preuves fournies permettaient de caractériser l’acte de contrefaçon, Moncler n’a pas pu fournir les preuves directes du préjudice subi.

Il se trouve que dans la pratique judiciaire chinoise, la cour de cassation a mis en place un système de détermination du montant des dommages et intérêts en cascade selon les quatre étapes suivantes :

  • Le montant des dommages et intérêts est, en principe, déterminé par rapport au préjudice subi par la victime ;
  • A défaut de preuve du préjudice subi, le montant sera déterminé par rapport au profit engendré par les actes du contrefacteur ;
  • A défaut de preuve d’un tel profit, le montant sera déterminé sous forme d’un multiple de la redevance qui aurait dû être versée par la société contrefaisante pour obtenir une licence de marque ;
  • Enfin, faute de preuves sur tous les éléments précédents, c’est le juge qui déterminera le montant, à sa discrétion, selon la demande de la victime et l’ensemble des éléments et circonstances de l’affaire. Ce montant ne devait pas dépasser 500 mille RMB chinois selon l’ancienne loi chinoise.

Pour obtenir un montant de dommages et intérêts satisfaisant, les obstacles essentiels restaient au niveau de la preuve directe du préjudice subi, sachant qu’il était rare que les juges chinois accordent le montant maximal exigible des dommages et intérêts dans leur marge d’appréciation (quatrième étape ci-dessus).

Le 3ème amendement de la loi chinoise sur le droit des marques, datant de 2013, est connu pour avoir augmenté significativement le plafond de dommages et intérêts de 500 mille RMB à 3 millions de RMB au cas où il revient au juge d’évaluer le montant de l’indemnité en l’absence de preuves suffisantes en cette matière.

Dans cette affaire, la Cour de la propriété intellectuelle de Pékin, nouvelle instance spécialisée qui a été instaurée en novembre 2014, a fait l’application de ce 3ème amendement. Relevons que le changement de la pratique judiciaire est un élément tout aussi important que la modification de la loi pour l’amélioration de l’efficacité du droit chinois dans la lutte contre la contrefaçon.

Dans l’affaire Moncler, étant donné qu’aucune preuve directe sur les trois éléments précédents n’avait été fournie par les parties, le juge a fait recours au faisceau d’indices dans son raisonnement pour la détermination de l’indemnisation, notamment :

  • la notoriété de la marque ;
  • les modes d’infraction ;
  • la durée de l’infraction ;
  • la mauvaise foi du contrefacteur ; ainsi que
  • le prix de vente des produits contrefaisants.

Au-delà du fait que l’on puisse se réjouir de cette application de la loi chinoise, de plus en plus favorable aux titulaires de droits, l’affaire Moncler nous paraît particulièrement importante pour déterminer les éléments à fournir au juge afin d’obtenir une meilleure réparation du préjudice lorsque les preuves directes sont manquantes, et en particulier des preuves sur la mauvaise foi du contrefacteur.

Article rédigé par Yi QIN, du cabinet LLRllr_new