Marques trompeuses en Chine
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Marques trompeuses en Chine

Critères de qualification et méthode d’analyse

Les marques à « contenu trompeur » constituent l’un des principaux cas visés par l’article 10, paragraphe 1, alinéa 7 de la Loi sur les marques.

Elles désignent les signes présentant un caractère trompeur, susceptibles d’induire le public en erreur quant aux caractéristiques du produit ou du service, telles que sa qualité.

En pratique, cette disposition fait l’objet de nombreuses critiques, notamment du fait que les autorités judiciaires ne motivent souvent pas suffisamment leur interprétation lorsqu’elles s’y réfèrent.

Cet article procède donc à une analyse des critères de qualification et de l’approche d’examen des marques à contenu trompeur.

I. Critères de qualification des marques à caractère trompeur

Depuis la révision légale de 2013, l’article 10(1)(7) de la loi chinoise sur les marques interdit l’enregistrement des marques « ayant un caractère trompeur, susceptibles d’induire le public en erreur sur des caractéristiques telles que la qualité du produit ou son origine ». Cette version, toujours en vigueur, distingue désormais deux notions : le caractère trompeur et le risque de confusion.

En pratique, l’analyse privilégie souvent le risque de confusion, au détriment de l’étude du caractère trompeur. Pourtant, l’objectif principal de cette disposition reste la lutte contre les signes trompeurs.

Ce principe s’ancre dans l’article 6 quinquies B (ii) de la Convention de Paris, qui vise à interdire les marques contraires à l’ordre public, notamment celles de nature à tromper le public. La suppression en 2013 de la référence aux « publicités exagérées », au profit du seul critère de « tromperie », confirme la volonté du législateur de renforcer la protection de l’intérêt public contre toute représentation erronée du produit, indépendamment de tout contenu promotionnel.

Quant à la notion de « confusion » introduite dans le texte révisé, elle doit être comprise comme une extension interprétative du « caractère trompeur ». Dans le cadre de l’expression « caractère trompeur » en chinois (欺骗), deux caractères montrent les deux dimensions de la notion :

– 欺 (qī) : action trompeuse (mensonge sur la nature du produit) ;

– 骗 (piàn) : effet trompeur (le public est effectivement induit en erreur).

La confusion, au sens juridique, correspond donc à une erreur de perception suffisamment grave pour influencer la décision d’achat du consommateur.

Ainsi, une marque ne devrait être qualifiée de trompeuse que si la confusion est de nature à induire une décision commerciale erronée. Ce critère élevé est cohérent avec le principe de prudence applicable aux motifs absolus de refus : une marque trompeuse ne peut être ni enregistrée, ni utilisée, ce qui entraîne des conséquences juridiques et économiques importantes.

Cependant, la législation ne définit pas clairement le seuil de confusion requis, ce qui conduit à des interprétations variables. Certains jugements admettent qu’une simple confusion suffit, élargissant progressivement le champ d’application de l’interdiction, au détriment de la sécurité juridique.

II. Méthode d’examen en 3 étapes

Certaines décisions de justice (1) ont établi que l’évaluation du caractère trompeur d’une marque repose sur trois conditions cumulatives, connues sous le nom de « méthode en trois étapes ». D’autres jugements, sans les formuler explicitement, s’en inspirent dans leur raisonnement, offrant ainsi une analyse plus rigoureuse et cohérente.

Cette méthode comprend les étapes suivantes.

Première étape : le signe contient-il une description relative à des caractéristiques du produit ou du service, telles que sa qualité, sa composition principale, sa fonction, son usage, son poids, sa quantité ou d’autres attributs essentiels ?

L’analyse doit porter sur le signe dans son ensemble ainsi que sur chacun de ses éléments. L’accent est mis sur son sens intrinsèque. Lorsque certains composants de la marque évoquent effectivement des caractéristiques du produit ou service, il convient d’évaluer la signification globale du signe pour en mesurer la portée descriptive.

Deuxième étape : le public pertinent est-il susceptible d’associer la description aux caractéristiques réelles du produit ou service, et cette description est-elle trompeuse ou de nature à induire en erreur ?

Cette étape analyse le lien entre le signe et le produit selon deux dimensions complémentaires :

– Analyse subjective : Le public croit-il, au moment de l’achat, que le produit possède effectivement les qualités décrites ? Cette appréciation se fait au cas par cas, en tenant compte du type de produit, du niveau de connaissance du public, de son attention et de ses habitudes de consommation. Si le public ne peut raisonnablement pas être induit en erreur, il n’y a pas tromperie. Par exemple, la marque « Apple » pour des ordinateurs ou « Qingju » (« citron vert ») pour des vélos partagés ne prêtent pas à confusion malgré leur connotation descriptive.

– Analyse objective : Si le public peut croire au lien, il faut vérifier si la description est objectivement trompeuse, c’est-à-dire si le produit ou service possède réellement les caractéristiques revendiquées.

En pratique, l’approche courante consiste à partir du principe que le produit ou service ne possède pas ces caractéristiques, ce qui permet de présumer le caractère trompeur. Il appartient alors au demandeur de prouver que le produit ou service dispose effectivement des qualités indiquées. En l’absence d’une telle preuve, la marque sera considérée comme contenant une description trompeuse.

– Troisième étape : la description trompeuse influence-t-elle la décision d’achat du public pertinent, le poussant à un choix qu’il n’aurait pas fait autrement ?

Il s’agit d’évaluer si la description porte sur un élément qui constitue un critère d’attention déterminant pour l’achat. Si oui, elle peut altérer le comportement du consommateur, confirmant ainsi le caractère trompeur.

L’importance de ces critères varie selon le type de produit :

  • Pour les aliments, le goût, la composition, l’hygiène, la valeur nutritionnelle et le prix sont essentiels ;
  • Pour les cosmétiques, l’efficacité, la sensation sur la peau, la sécurité, les ingrédients et le prix comptent ;
  • Pour les biens non essentiels, les critères diffèrent selon la nature du produit.

Cette analyse doit donc toujours être adaptée au contexte spécifique du produit ou service.

III. Illustrations jurisprudentielles

– Affaire Jiaduobao (marque n°11051631)

Dans cette affaire, la Cour de la propriété intellectuelle de Pékin a explicitement adopté la méthode d’analyse en trois étapes, en tenant en compte les critères d’attention du public pertinent pour déterminer si la marque pouvait influencer la décision d’achat.

La marque contestée « 怕上火喝加多宝 » (littéralement, « Si vous craignez l’inflammation interne, buvez Jiaduobao ») était destinée à être utilisée pour des bières, boissons non alcoolisées, jus de fruits, etc. Le public pertinent pouvait interpréter ce message comme une promesse de bienfaits médicinaux, notamment la prévention de l’« inflammation interne », concept de la médecine traditionnelle chinoise.

Le demandeur n’ayant pas prouvé ces propriétés, la cour a jugé la marque trompeuse.

Dans un contexte où les consommateurs accordent une attention croissante à un mode de vie sain, cette description était tout à fait susceptible d’influencer leur décision d’achat, justifiant ainsi le refus d’enregistrement selon l’article 10, alinéa 1, point 7 de la loi sur les marques.

– Affaire Kaoyanhezi (marque n°17165227)

Dans cette affaire portant sur le réexamen du refus d’enregistrement de la marque n°17165227 « 考研盒子 » (littéralement, « boîte d’examen de master »), le tribunal n’a pas expressément mentionné la méthode d’analyse en trois étapes, mais il a affirmé que les signes qui ne sont pas de nature à tromper le public pertinent ne devraient pas être considérés comme trompeurs, ce qui revient à l’appliquer.

La particularité de cette affaire réside dans la façon dont la deuxième étape a été examinée. En effet, à cette étape, le tribunal est parti du principe qu’un opérateur économique rationnel aura généralement tendance à faire correspondre le sens de sa marque avec les services fournis. En l’espèce, le terme « 考研 » désigne couramment l’examen d’entrée au master en Chine et les services visés (éducation, formation, divertissement et activités culturelles et sportives) sont cohérents avec ce sens. Il serait contre-productif pour le demandeur d’utiliser cette marque pour des services sans aucun lien avec la préparation à l’examen de master, ainsi, le tribunal estime que, dans des conditions normales, cette marque n’a pas de visée trompeuse.

De plus, le tribunal a tenu compte de l’expérience de la vie courante et des habitudes de consommation, concluant que le public pertinent, face à ce type de service, ne se fiera pas uniquement à la présence du terme « 考研 » dans la marque pour prendre sa décision, mais procèdera à une consultation préalable du contenu effectif du service avant de faire un choix. Par conséquent, le simple fait que la marque contienne ce terme ne suffit pas à induire le public en erreur sur la nature des services proposés.

En conclusion, la condition de la deuxième étape n’était pas remplie, et la marque ne pouvait être considérée comme trompeuse au sens de la législation en vigueur.

Conclusion

L’adoption d’un raisonnement fondé sur la méthode d’analyse en trois étapes permet au juge de mieux se placer du point de vue du public pertinent, et de fonder son appréciation en tenant compte des produits ou services désignés par la marque, rendant ainsi les décisions plus raisonnables et objectives.

Cependant, même dans certaines décisions affirmant explicitement recourir à la méthode des trois étapes, l’analyse reste superficielle : les juges se contentent souvent d’énoncer les conclusions de chaque étape sans exposer leur raisonnement. Une telle approche revient, en pratique, à ne pas mettre en œuvre la méthode de manière effective, laissant les demandeurs dans l’incertitude quant aux véritables motifs de la qualification de « tromperie ». D’où l’importance de renforcer la motivation juridique dans les décisions en matière de marques.


(1) Voir notamment les jugements administratifs rendus par le Tribunal de la propriété intellectuelle de Pékin dans les affaires (2020) Jing 73 Xingchu No. 10384, (2020) Jing 73 Xingchu No. 62, (2018) Jing 73 Xingchu No. 13471, (2020) Jing 73 Xingchu No. 552, (2015) Jing Zhixingchu Zi No. 1612, (2020) Jing 73 Xingchu No. 3208, etc.

Article rédigé par Lili TIAN