Activité du Tribunal de PI de la Cour suprême
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Activité du Tribunal de PI de la Cour suprême

Analyse de son 5e rapport

Le Tribunal de PI de la Cour suprême chinoise (ci-après « le Tribunal »), opérationnel depuis le 1er janvier 2019, a récemment fêté son cinquième anniversaire. Le 23 février 2024, il a publié son cinquième rapport annuel portant sur l’année 2023, dans lequel il fait un bilan sur les affaires qu’il a traitées ces cinq dernières années.

Pour rappel, ce tribunal a été établi au sein de la Cour suprême pour servir de juridiction de seconde instance pour les affaires civiles et administratives de propriété intellectuelle impliquant une forte technicité, comme les brevets, les variétés végétales, les topographies de circuits intégrés, les secrets technologiques, les logiciels d’ordinateur, les monopoles, etc.

En novembre 2023, son champ de compétences a été légèrement modifié afin notamment de réduire la charge de ce dernier (voir notre article « Compétence du tribunal PI de la Cour suprême en Chine »).  

Dans cet article, nous vous présenterons les principales statistiques et conclusions données dans ce rapport.

I. Nombres d’affaires acceptées et conclues

Depuis sa création le 1er janvier 2019, le Tribunal a accepté un total de 18 924 affaires de propriété intellectuelle en matière de technologies et affaires de monopole et en a conclu 15 710, soit un taux global de clôture de 83%. En 2023, chaque juge du Tribunal a conclu 82,3 affaires en moyenne, soit environ 6,9 par mois. Ce chiffre a peu évolué depuis 2020, ce qui impliquerait que la charge de travail par juge avait déjà atteint son niveau saturé en 2020. Comme illustré sur la figure 1, le nombre des affaires acceptées et celui des affaires conclues ont tous deux connu une augmentation constante depuis 5 ans, avec un taux de croissance annuelle en moyenne (ci-après « CAM » dans la figure 2) remarquable (respectivement 27,0% et 33,6%).

Fig.1

II. Types de différends

Comme on peut le voir sur la figure 2, le Tribunal a accepté, de 2019 à 2023, 11 657 affaires civiles de fond (avec un taux de croissance annuelle moyenne de 35,3%) et 4 365 affaires administratives de fond (avec un taux de croissance annuelle moyenne de 51,7%). Seulement une très petite partie des affaires traitées portent sur la compétence de juridiction. 

 Fig. 2

Si nous regardons de plus près (cf. la figure 3), parmi les 11 657 affaires civiles de fond acceptées par le Tribunal, 6 654 (soit 57%) concernent des atteintes aux droits des brevets d’invention et de modèle d’utilité. Les différends portant sur le logiciel occupent la deuxième place (2 447, soit 21%) et ceux sur la titularité arrivent en troisième position (981, soit 8%).

Fig. 3

La figure 4 montre la décomposition des 4 365 affaires administratives de fond acceptées par le Tribunal durant les 5 dernières années. Nous remarquons que la majorité des affaires portent sur les brevets d’invention. En effet, 2 428 (=1291+1137) affaires acceptées par le Tribunal concernaient le réexamen des demandes de brevet d’invention rejetées ou l’invalidation de brevets d’invention, ce qui représente 56 % du nombre total. Les cas liés aux modèles d’utilité ou aux dessins et modèles (« MO » dans la figure) ont un nombre moins élevé, soit 1 515, tous types confondus.

Fig. 4

III. Résultats de seconde instance des affaires conclues

Comme illustré sur la figure 5, parmi les 15 710 affaires conclues par le Tribunal de 2019 à 2023, 122 (soit 0,8%) ont été renvoyées aux cours de première instance pour une nouvelle décision et dans 2 213 d’entre elles (soit 14,1%), la décision a été modifiée directement par le Tribunal. Le faible taux de renvoi reflète les efforts du Tribunal sur l’amélioration de l’efficacité et la réduction de la durée totale des actions judiciaires. 

Fig.5

Si on prend en compte uniquement les affaires civiles, le taux global de renvoi est de 1,2% et celui de décisions modifiées est de 19, 6%, comme nous pouvons le voir sur la figure 6. De plus, le pourcentage global de maintien des décisions de première instance s’élève à 41,6 %, celui de retrait des actions étant de 25,8%, et celui de médiation de 11,2%, sur les cinq années passées. La figure 7 montre l’évolution des taux de renvoi et de modification sur le temps : le premier a connu une diminution importante du plus haut en 2020 au plus bas en 2023, tandis que le second a constamment augmenté depuis 2019.  

Fig. 6

Fig. 7

En ce qui concerne les affaires administratives, comme on peut le voir sur les figures 8 et 9, le taux global de maintien est beaucoup plus élevé, soit 86,1%, alors que les taux de modification et de renvoi restent très faibles.

Fig. 8

Fig. 9

IV. Affaires internationales (impliquant des parties étrangères, ou de Hong-Kong, Macao et Taiwan) acceptées et conclues

Comme illustré sur la figure 10, de 2019 à 2023, le Tribunal a accepté 1 934 affaires internationales (dont 1678 impliquent des parties étrangères et 256 des parties à Hong-Kong, Macao et Taïwan), soit 10, 2% du nombre total accepté.

Fig.10

Comme nous pouvons le voir sur la figure 11, de 2019 à 2023, les affaires internationales jugées par le Tribunal provenaient principalement des États-Unis (31% des affaires) et des pays de l’Union Européenne (36% des affaires), tels que l’Allemagne, la France et l’Italie. Quant aux affaires concernant la région asiatique, elles étaient issues essentiellement du Japon et de la Corée du Sud (15% et 3% respectivement).

Fig. 11

V. Répartition des régions d’origine et des tribunaux de première instance

La majorité des affaires traitées par le Tribunal pendant les cinq dernières années provenaient de régions relativement développées sur le plan économique, les cinq premières régions d’origine des affaires étant Pékin, la province du Guangdong, la province du Zhejiang, la province du Jiangsu et la province du Shandong (figure 12).

Fig. 12

Si l’on regarde les cours de première instance, le « top 5 » des cours d’origine des affaires sont la Cour de PI de Pékin, la Cour de PI de Guangzhou, la Cour intermédiaire de Shenzhen, la Cour de PI de Shanghai et la Cour intermédiaire de Hangzhou, comme illustré sur la figure 13. Relevons que la Cour de PI de Pékin a traité beaucoup plus de cas que toutes les autres cours, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’elle est exclusivement compétente pour juger les affaires administratives de brevets de première instance.

Fig. 13

VI. Autres informations intéressantes

Outre les statistiques évoquées ci-dessus, nous avons identifié les informations suivantes de ce rapport annuel, qui pourraient vous intéresser.

6.1 Le nombre des affaires impliquant des industries émergentes stratégiques continue de croître. En 2023, le Tribunal a accepté 1 582 affaires de ce type, soit 31,3% du nombre total. Elles concernent les technologies de l’information de nouvelle génération, la biotechnologie, les équipements haut de gamme, les véhicules à énergie nouvelle, la protection de l’environnement, les nouveaux matériaux, etc. Parmi eux, les technologies de l’information de nouvelle génération, la biotechnologie et les équipements haut de gamme ont connu une nette augmentation en nombre d’affaires.

6.2 Le rôle et les responsabilités de supervision en deuxième instance du Tribunal ont été constamment renforcés. En 2023, dans 25,7% des affaires civiles de fond en deuxième instance, la décision de première instance a été modifiée. Si l’on retire des affaires modifiées pour des raisons telles que l’évolution de la validité des droits et l’harmonisation des critères de jugement dans les affaires associées, le taux de modification en 2023 était en fait de 11,2%, en hausse de 1,7% par rapport à 2022. En même temps, le taux de renvoi des affaires civiles de fond de deuxième instance a été réduit de 3,4% en 2020 à 0,3% en 2023. Tout cela montre la position du Tribunal qui semble poursuivre plusieurs objectifs : harmoniser les critères de jugement, résoudre les différends de manière substantive, et éviter des litiges circulaires.

6.3 Le Tribunal adhère fermement à la philosophie consistant à renforcer la force de protection conférée par le brevet, notamment en appliquant strictement le système de dommages et intérêts punitifs. Entre 2021 et 2023, dans les affaires de contrefaçon de brevet d’invention dont la décision de première instance a été modifiée par le Tribunal, le montant moyen des dommages et intérêts prononcé a atteint 2,72 millions de CNY (environ 350K  euros). Parmi eux, une affaire dite Melamine en contrefaçon de brevet d’invention et violation de savoir-faire a battu un record en ce qui concerne le montant d’indemnité prononcé :  218 millions de CNY (27,9 millions d’euros) dans le cadre du projet de phase I, et puis 440 millions de CNY (56,3 millions d’euros) en plus pour parvenir à une conciliation globale dans l’exécution du projet de phase I et II.

Dans un autre cas relatif à la « violation de savoir-faire concernant l’antioxydant du caoutchouc », le Tribunal a décidé un montant de dommages et intérêts de 202 millions de CNY. En 2023, le Tribunal a appliqué le système de dommages et intérêts punitifs dans 8 affaires.

6.4 La transmission électronique des documents d’appel a été mise en place et couvre toutes les cours de première instance. En 2023, 93,3% des nouvelles affaires de recours ont été transmises au Tribunal par voie électronique, ce qui a permis de réduire le délai moyen de transmission à un jour. Pour les documents du Tribunal à transmettre aux parties, la signification électronique est désormais pratiquée, avec un taux de réussite de 96,1% et un délai moyen de 0,69 jour.

Article rédigé par Mei TAO