La prescription de cinq ans ne s’appliquerait pas en cas d’enregistrement de marque obtenu par un moyen inapproprié au sens de la loi chinoise sur les marques
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En Chine comme en France, l’annulation d’une marque peut être obtenue par le biais d’une action en annulation (également appelée action en invalidation). Cette action est prévue par les articles 44 à 47 de la loi chinoise sur les marques. Conformément à ces dispositions, une marque peut être déclarée nulle pour diverses raisons, notamment si elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public, de nature à tromper le public, dépourvue de caractère distinctif ou encore si elle n’était pas disponible au moment du dépôt car portant atteinte aux droits antérieurs d’un tiers.
Afin de célébrer la dernière publication de l’année, nous vous proposons de revenir sur les principales évolutions qu’a connues la Chine en 2019 concernant la protection de la propriété intellectuelle.
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Quelles évolutions dans la législation en 2019 ?
En matière de brevets
– La 4e révision de la loi sur les brevets, qui devait entrer en vigueur en 2019, est toujours en attente d’approbation par le Congrès national. Cette nouvelle révision devrait inclure : des dommages et intérêts plus élevés pour violation de brevet, l’introduction de dommages et intérêts punitifs, plus d’options pour récompenser les inventeurs dans le cadre d’un système de rémunération des inventions de salariés et la prolongation de la durée des brevets de dessin (design patents) (voir nos commentaires ici).
– Les modifications des principes directeurs régissant l’examen des brevets, publiées le 25 septembre 2019, sont entrées en vigueur le 1er novembre 2019. Elles portent, notamment, sur les dépôts de demande divisionnaire, l’évaluation de l’activité inventive et les exigences d’enregistrement des interfaces graphiques.
En matière de marques
– La 4e révision de la loi sur les marques est entrée en vigueur le 1er novembre 2019. Cette révision met l’accent sur la lutte contre les dépôts de mauvaise foi, la contrefaçon et le squatting de marque. Les principales modifications concernent l’introduction, dans la loi, de la condition d’ «intention d’utilisation» de la marque, la mise en place de sanctions applicables en cas de dépôt de mauvaise foi, ainsi que de sanctions plus sévères pour les contrefacteurs de marques (voir nos commentaires ici).
– Les lignes directrices pour le jugement des affaires d’octroi et de vérification des droits de marque ont été publiées par la Cour supérieure de Beijing en avril 2019. Ces lignes directrices décrivent en détail les circonstances dans lesquelles un dépôt de marque doit être suspecté comme étant de mauvaise foi.
– L’Administration nationale de la propriété intellectuelle de Chine (la CNIPA) a annoncé une réduction des taxes officielles applicables lors d’un renouvellement de marque ou d’une inscription de modification à compter du 1er juillet 2019 (voir nos commentaires ici).
En matière de concurrence déloyale et de secret d’affaires
Récemment, le tribunal intermédiaire de Suzhou a rendu une décision intéressante qui applique ces nouvelles dispositions. Cette affaire concerne les demandes d’injonction déposées par la société Universal Pictures (Shanghai) à l’encontre de plusieurs défendeurs poursuivis pour violation des droits d’auteur relatifs à l’image des personnages du dessin animé « Les Minions ». Nous vous proposons d’étudier cette affaire pour analyser comment le tribunal a appliqué ces nouvelles dispositions pour prononcer une injonction préliminaire à l’encontre des défendeurs.
Un des Minions
Produits suspectés de contrefaçon
Notons que c’est ce même tribunal de Suzhou qui a émis une injonction dans une autre affaire concernant la célèbre marque New Balance. Si une entreprise découvre que ses droits de propriété intellectuelle sont violés par une tierce partie sur le marché chinois et décide de former un recours pour protéger ses droits, le dépôt d’une demande d’injonction peut être envisagé au cours de la procédure afin que son préjudice puisse être contrôlé.
Comme Chanel, luttez-vous contre la contrefaçon en attaquant non pas les vendeurs mais le centre commercial dans lequel ces derniers vendent des produits de contrefaçon ?
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La société Chanel a récemment remporté son procès contre le centre commercial Golden World Glasses City de Shenzhen qu’elle avait attaqué pour contrefaçon de marque. La Cour intermédiaire de Shenzhen chargée de juger cette affaire a rappelé l’obligation de diligence et de supervision des opérateurs de marché tels que les centres commerciaux.
Cette affaire est intéressante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, cette affaire concerne un cas de vente physique de produits de contrefaçon et nous permet donc de rappeler que même si les ventes de produits de contrefaçon se réalisent de plus en plus sur les plateformes de vente en ligne, il existe encore, dans les grandes villes chinoises, de nombreux centres commerciaux spécialisés dans la vente de produits de contrefaçon. Par ailleurs, contrairement aux procès habituels pour contrefaçon, Chanel n’a pas attaqué le vendeur, maisa directement poursuivi le centre commercial pour les actes de contrefaçon. Enfin, cette affaire a été l’occasion pour la Cour intermédiaire de Shenzhen de rappeler les obligations des centres commerciaux vis-à-vis de l’activité des vendeurs, notamment en matière de protection de PI. Nous vous proposons donc de revenir sur cette affaire.
En 2019, Limagrain oppose son droit de variété végétale (PLVR) sur du maïs contre une société chinoise et obtient près de 500k€ de dommages et intérêts.
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Les variétés végétales en Chine, comme dans beaucoup d’autres pays, peuvent être protégées par le droit de variété végétale (ou PVR pour « plant variety right »). Voici un cas récent dans lequel la société française Limagrain a opposé son droit de variété végétale sur du maïs « Lihe 228 » contre une société chinoise, Yangguang Seed, qui avait demandé ultérieurement une autorisation d’exploiter cette même variété végétale. Dans sa décision, la Cour d’appel a confirmé en particulier l’octroi de près de 500 000€ de dommages et intérêts en faveur de Limagrain.
Valeo inaugure le nouveau système juridique chinois dans lequel la Cour suprêmesert de juridiction de deuxième instance pour les affaires de forte technicité. Une victoire permettant de stopper la contrefaçon et de préciser la définition d’une caractéristique « fonctionnelle » dans un sens favorable aux titulaires de brevet.
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Le 27 mars 2019, le tribunal de Propriété Intellectuelle de la Cour suprême a rendu un jugement : les appelants, deux équipementiers automobiles chinois, commettaient une violation du brevet possédé par le demandeur, la société française Valeo Systèmes d’Essuyage (appelée Valeo ci-après). Ce procès est le premier du tribunal de PI de la Cour suprême de Chine depuis son établissement, le 1er janvier 2019. (Source officielle).
Le procès en question concerne un différend entre les appelantes Xiamen Lukasi Car Accessories Co. Ltd. et Xiamen Fuke Car Accessories Co. Ltd., deux société chinoises fournisseurs d’accessoires automobiles, et l’intimée Valeo, ainsi que M. Shaoqiang Chen, le défendeur original, à propos d’un brevet d’invention délivré en Chine, intitulé « Essuie-glace de véhicule automobile et dispositif de connexion associé ».
Valeo avait accusé Xiamen Lukasi Car Accessories Co. Ltd. et Xiamen Fuke Car Accessories Co. Ltd. d’avoir fabriqué, vendu et promis de vendre des produits d’essuie-glace qui entrent dans la portée du brevet de Valeo et avait demandé 6 M RMB, environ 770 000 EUR, de dommages et intérêts. Valeo avait aussi accusé M. Chen d’avoir fabriqué et vendu des produits brevetés.
En septembre 2007, Wenger S.A. dépose en classe 25 la demande de marque « SWISSGEAR » auprès de l’Office chinois des marques. S’ensuit une épopée administrative de plus de 10 ans, la demande de marque ayant récemment fait l’objet d’un rejet final de la part de la Haute Cour de Pékin. Nous vous proposons de revenir sur cette affaire et, à cette occasion, de vous en dire plus sur la protection des marques incluant un nom de pays.
2018 a été une année de double victoire pour la société française Dassault Systèmes, qui gagne deux procès en Chine pour contrefaçon de son logiciel CATIA, avec un double record des dommages et intérêts octroyés par la Cour de Shanghai.
La saga Louboutin vient une nouvelle fois de faire parler d’elle, cette fois-ci en Chine où, pour la première fois, il a été reconnu qu’une marque pouvait être constituée de la position d’une couleur précise à un endroit spécifique.
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Sous priorité de sa marque britannique du 15 novembre 2007, M. Christian Louboutin avait déposé une demande d’enregistrement de marque internationale n°1031242 pour sa fameuse semelle de couleur rouge, désignant notamment la Chine et visant les produits « chaussures pour dames » en classe 25, composée du signe suivant :
Source WIPO
La demande d’enregistrement comprenait également la précision suivante :
« Rouge – Pantone numéro Pantone 18.1663TP.
Cette marque se compose de la couleur rouge (Pantone n° 18.1663TP) s’appliquant à la semelle de la chaussure, telle que représentée (le contour de la chaussure ne fait pas partie de la marque mais sert uniquement d’illustration) ».
Selon l’Article 8 de loi chinoise sur les marques, « tout signe, capable de distinguer les produits et services d’une personne physique, morale ou de toute autre organisme de ceux d’un tiers, y compris les mots, dispositifs, lettres, chiffres, signes 3D, combinaison de couleurs, sons… ainsi que la combinaison des éléments ci-dessus peut faire l’objet d’une demande d’enregistrement à titre de marque ».
La demande d’enregistrement de M. Louboutin avait été rejetée après examen par le Chinese Trademark Office, puis par le Trademark Review and Adjudication Board (TRAB) suite au dépôt d’un appel, car il avait été retenu que le signe objet de la demande constituait une marque figurative (un logo) dénuée de caractère distinctif.
L’affaire avait été portée devant la Beijing Intellectual Property Court en première instance.
Celle-ci a considéré que le signe constituait une marque 3D et a renvoyé l’affaire devant le TRAB pour qu’il revoie sa décision selon la typologie du signe retenue.
Suite à un nouveau refus du TRAB, l’affaire avait ensuite été portée en seconde instance devant la Beijing High Court, qui a rendu sa décision en décembre dernier.
Elle a considéré que le signe en cause ne constituait pas une marque 3D, ni une marque figurative mais une marque constituée d’une couleur apposée à un endroit spécifique (sur la semelle de la chaussure à talon).
Ce type de signe pouvait constituer une marque susceptible d’être enregistrée selon l’article 8 de la loi chinoise sur les marques puisqu’il n’était pas spécifiquement exclu de son champ d’application.
L’affaire a donc été renvoyée une nouvelle fois devant le TRAB, qui devra se prononcer sur le caractère distinctif de cette marque de position, en prenant en compte tous les éléments la constituant.
Il convient de retenir de cette décision, qui n’est pas encore la dernière étape de la procédure, que la Chine semble vouloir se tourner vers une application plus libérale de la loi sur les marques, afin de pallier la prudence dont faisaient jusqu’alors preuve les Examinateurs chinois et les tribunaux en rejetant systématiquement les demandes « non-traditionnelles » de ce type.
Toutefois, certaines exigences restent, comme le fait d’indiquer à la fois la teinte précise de la couleur et sa position.
Nous attendons maintenant avec impatience la nouvelle étude de cette affaire par le TRAB au regard des éléments apportés par la cour de Pékin.
La Chine se positionne ainsi à l’avant-garde en matière de litiges liés à Internet : la Cour populaire suprême a confirmé que les juridictions Internet peuvent considérer des preuves électroniques fournies par les parties authentifiées par des horodatages par blockchain.
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