Protection de la marque notoire de BULGARI
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Protection de la marque notoire de BULGARI

La Cour prend en considération les chevauchements possibles parmi les publics des deux marques

La Cour supérieure de Pékin a récemment rendu un jugement définitif concernant l’affaire d’invalidation de la marque n°6085778 « 宝格丽音乐咖啡 BALCARY MUSIC COFFEE » : elle a donné raison à BULGARI en confirmant le jugement de première instance rendu par le tribunal de la propriété intellectuelle de Pékin. L’enregistrement de la marque en question est invalidé. Cette décision met fin à la lutte de BULGARI qui avait débuté en 2017.

Revenons au début de cette affaire. En 2017, BULGARI a formé une action en nullité à l’encontre de la marque n° 6085778 « 宝格丽音乐咖啡 BALCARY MUSIC COFFEE » auprès du bureau de réexamen des marques (TRAB). Cette marque, dont les trois premiers caractères latins se prononcent BAO-GE-LI et correspondent à la translittération de la marque BULGARI, avait été déposée en classe 43 (couvrant notamment les cafés, restaurants et hôtels) par un individu chinois du nom de CAI Qinghe en 2007.

A noter que, dans cette affaire, la prescription prévue par la loi des marques pour un tiers de former une action en nullité (à savoir 5 ans à compter de l’enregistrement de la marque) n’était pas applicable puisque la protection des marques notoires qu’a invoqué BULGARI fait partie des exceptions prévues par la loi. BULGARI a donc pu former une action en nullité alors même que la marque contestée avait été déposée depuis 10 ans.

Pour obtenir gain de cause, la société italienne s’est fondée sur l’article 13 de la loi des marques, à savoir le caractère notoire de sa marque n° 3811212 « 宝格丽 BVLGARI » en classe 14 désignant notamment les montres et les bijoux (ci-après la marque de BULGARI). En effet, la marque de CAI Qinghe ayant été enregistrée en classe 43, il est nécessaire d’invoquer la notoriété de la marque pour permettre d’obtenir la protection des marques notoires qui, conformément à la loi des marques, est élargie à des produits et services différents. Cette règle se justifie par le fait qu’il existe un risque de confusion pour le public qui a une forte connaissance de la marque notoire antérieure. Selon les arguments de BULGARI, la marque litigieuse était la reproduction et l’imitation de sa marque notoire « 宝格丽 BVLGARI », et son enregistrement induisait le public en erreur et portait atteinte à ses intérêts.

Saisi de cette action en nullité, le TRAB n’a pas appuyé la demande de BULGARI car il a estimé que les preuves soumises par BULGARI n’étaient pas suffisantes pour prouver que cette notoriété était antérieure à la date de dépôt de la marque contestée. Niant le caractère notoire de la marque à la date du dépôt, le TRAB lui a donc naturellement refusé la protection trans-classes et a indiqué que les produits désignés de la marque contestée étaient différents des produits désignés par la marque de BULGARI et qu’il n’y avait donc pas lieu à annuler la marque contestée.

BULGARI a interjeté appel devant la Cour de PI de Pékin en 2019. Cette dernière a renversé la décision du TRAB mais l’adversaire de BULGARI n’étant pas satisfait de ce jugement, il a ensuite interjeté appel devant la Haute Cour de Pékin. En 2021, la Haute Cour de Pékin a rendu une décision définitive en faveur de BULGARI en confirmant ce jugement de 1re instance. Dans le jugement définitif, la Haute Cour de Pékin a estimé tout d’abord que les preuves soumises par BULGARI pouvaient démontrer la réputation notoire de la marque sur les montres et les produits de bijouterie avant la date de dépôt de la marque contestée et donc que la marque de BULGARI constituait donc bien une marque notoire au sens de l’article 13 de la loi chinoise des marques.

Relevons qu’elle a pris en considération les critères suivants pour appliquer la protection de marque notoire :

– force de la marque ;

– degré de similarité des marques concernées ;

– utilisation sur les produits désignés ;

– consommateurs cibles et degré d’attention lors des achats.

En particulier, en appliquant le dernier critère, la Cour a estimé qu’il existait de nombreux chevauchements possibles parmi les publics de ces deux marques. Etant donné que les consommateurs cibles des marques étaient les mêmes, le risque de confusion était élevé.

 La Cour a également estimé que la marque litigieuse constituait bien une copie et une imitation de la marque de BULGARI. Par conséquent, l’enregistrement et l’usage de la marque litigieuse avaient pour effet de réduire le caractère distinctif de la marque de BULGARI et donc de léser ses intérêts. La Cour a donc confirmé que l’enregistrement de la marque litigieuse avait violé l’article 13 de la loi chinoise des marques et a demandé au TRAB de rectifier sa décision initiale et d’invalider la marque litigieuse.

Dans cette affaire, et comme c’est souvent le cas, le TRAB a appliqué une approche plus restrictive que les tribunaux qui, pour leur part, ont considéré des facteurs plus précis pour qualifier la marque notoire. La Chine a redoublé d’efforts pour lutter contre les dépôts des marques de mauvaise foi ces dernières années. Il n’en reste pas moins qu’obtenir la reconnaissance d’une marque notoire est complexe et que seul un nombre limité de marques très connues peut prétendre à cette protection.

Article rédigé par LIN Jun du cabinet LLR China