Libellé des marques chinoises : questions-réponses
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Libellé des marques chinoises : questions-réponses

Le libellé est un élément primordial pour une marque, car il sert à définir la portée de sa protection. Nos articles précédents ont déjà évoqué certaines spécificités à respecter concernant la rédaction de libellé pour une marque chinoise. Cette fois-ci, nous essayons de décortiquer ce sujet sous forme de questions-réponses.

  1. Qu’est-ce qu’une sous-classe en Chine ?

Lorsque l’on dépose une marque, il faut désigner les classes de produits et services que l’on entend protéger via cette marque.

Ces classes sont définies par la Classification de Nice (une classification internationale de produits et services), dont la Chine, comme la plupart des pays du monde, est adhérente.

Tout en respectant cette classification internationale, l’Office chinois a, en parallèle, mis en place un système de sous-classes à l’intérieur de chacune des classes internationales, système souvent méconnu par les déposants étrangers.

  1. Comment fonctionnent les sous-classes en Chine ?

Dans la classification internationale, il n’est pas rare de trouver dans une même classe des produits très différents. Par exemple, les ordinateurs, les casques de protection et les lunettes [optique] appartiennent tous à la classe internationale 9 alors qu’ils relèvent de catégories complètement distinctes.

Afin de faire face à cette situation et faciliter l’examen de la similitude entre les produits et services, l’Office chinois a instauré un système de sous-classes dans lequel les produits ou les services similaires sont regroupés dans une même sous-classe.

Reprenons l’exemple de la classe 9 :

  • les ordinateurs et les périphériques d’ordinateurs sont regroupés en sous-classe 0901 ;
  • les casques de protection et les gilets de sauvetage sont regroupés en sous-classe 0919, car il s’agit d’appareils et d’instruments de sauvetage et de sécurité ;
  • les lunettes [optique] et les étuis à lunettes sont regroupés en sous-classe 0921.

En principe, les produits ou services appartenant à une même sous-classe sont considérés comme similaires, alors que ceux relevant de sous-classes différentes sont considérés comme différents, même s’ils relèvent de la même classe internationale.

Cette « règle des sous-classes » est ainsi utilisée comme une référence pour apprécier la similitude entre les produits et services. Or, comme pour la grammaire française, s’il existe des principes, il y a aussi des exceptions.

  1. Quelles sont les exceptions à la « règle des sous-classes » au regard de l’appréciation de la similitude entre les produits et services ?

Deux types d’exceptions sont possibles, et sont illustrés dans la classification chinoise :

  • Certains produits et/ou services relevant de classes différentes peuvent être considérés comme similaires. Exemples :

Les gilets de sauvetage (0919) sont similaires aux brassards de natation (2809) ;

Le lait en poudre pour bébés (0502) est similaire au lait (2907) ;

  • Les produits ou services d’une même sous-classe peuvent être considérés comme différents. En effet, il est possible qu’une sous-classe soit divisée en plusieurs petits groupes de produits ou services, et que la similarité entre ces groupes ne soit pas reconnue. Exemples :

Les sacs à main et les revêtements de meubles en cuir appartiennent à la même sous-classe 1802, mais ils se trouvent dans des groupes différents, et sont considérés comme des produits différents.

  1. Est-il possible de contourner la « règle des sous-classes » dans certains cas ?

Dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion, les examinateurs de l’Office chinois suivent scrupuleusement cette « règle des sous-classes » de la classification chinoise, ainsi que les exceptions présentées.

Toutefois, cette pratique peut générer certaines complications pour la protection des marques en Chine.

Prenons l’exemple de la classe 25 : les chaussures (2507) et les chemises (2501) appartiennent à des sous-classes différentes. Bien qu’en France et dans l’Union européenne, on considère souvent que ces produits sont similaires, l’Office chinois va probablement les traiter comme des produits différents, et ce selon sa propre « règle des sous-classes ».

Cependant, l’appréciation de la similitude entre les produits et services est plus souple au niveau des tribunaux chinois. Aussi, pour pouvoir faire reconnaître la similitude entre les chaussures et les chemises, il est parfois nécessaire d’amener le dossier devant les tribunaux afin de contourner la « règle des sous-classes ».

  1. Est-il nécessaire de couvrir systématiquement toutes les sous-classes à l’intérieur d’une classe internationale ?

Parfois, on entend dire qu’il faut désigner au moins un produit/service par sous-classe, et ce afin de pouvoir bloquer le registre des marques chinois pour l’ensemble de la classe internationale désignée, et empêcher ainsi le dépôt par des tiers de marques identiques ou similaires dans cette classe.

Il s’agit, selon nous, d’une stratégie de dépôt plutôt offensive. Si vous souhaitez opter pour une telle stratégie, il convient de retenir que la désignation d’un seul produit/service par sous-classe ne permettra peut-être pas d’atteindre cet objectif dans toutes les classes, car il est possible que des petits groupes de produits ou services existent à l’intérieur d’une sous-classe. En effet, afin de pouvoir bloquer l’ensemble d’une classe internationale, il faut que le libellé de votre marque couvre tous les petits groupes. Toutefois, il ne faut pas oublier que des frais complémentaires sont à prévoir si vous désignez, dans le cadre d’un dépôt national, plus de 10 produits ou services d’une classe internationale.

Il est donc essentiel de s’interroger sur la nécessité d’opter pour une telle stratégie offensive.

Imaginons que vous commercialisez via votre marque des périphériques d’ordinateurs (classe 9), est-il vraiment gênant de voir un tiers vendre des gilets de sauvetage (aussi classe 9) sous la même marque, sachant que vous n’êtes pas concurrents ?

De plus, même si vous avez réussi à bloquer, via votre dépôt de marque, toutes les sous-classes (y compris les différents petits groupes) en classe 9, vous n’exploiterez certainement pas votre marque pour les gilets de sauvetage, puisque ce n’est pas votre domaine d’activité. Dès lors, au bout de 3 ans, l’enregistrement de votre marque pour ces produits deviendra vulnérable à une action en déchéance pour défaut d’usage.

Aussi, après avoir déterminé les avantages (bloquer l’accès des tiers à la même classe) et les contraintes (obligation d’usage), vous êtes le seul à pouvoir définir votre stratégie de dépôt de marques en Chine.

Toutefois, ce qui nous semble indispensable, c’est que votre libellé couvre a minima les produits et services pour lesquels vous allez utiliser votre marque.

  1. Si je reprends l’entête de la classe internationale dans mon libellé, ma marque sera-t-elle protégée pour la totalité des produits ou services de cette classe en Chine ?

Pas nécessairement !

L’entête d’une classe internationale renseigne, à titre indicatif, sur le type de produits/services contenus dans cette classe. Toutefois, il ne s’agit pas d’une description exhaustive de l’ensemble des produits ou services concernés.

Prenons l’exemple de l’entête de la classe 25 : « vêtements, articles chaussants, chapellerie », celle-ci ne couvre absolument pas les gants [habillement], et ce, selon la classification chinoise. 

  1. Afin de rédiger un libellé pour une marque chinoise, doit-on respecter « à la lettre » les terminologies de la classification chinoise ?

Oui !

De manière générale, si vous effectuez un dépôt de marque nationale chinoise, il est recommandé de reprendre les termes tels qu’ils sont répertoriés dans la classification chinoise, sans aucune modification. Les descriptions de produits ou services « improvisées » sont rarement acceptées par l’Office chinois, même s’ils semblent suffisamment clairs et précis.

Prenons l’exemple d’un cabinet proposant des formations aux entreprises en matière de sécurité de travail. Lorsque ce dernier dépose sa marque nationale chinoise, au lieu d’indiquer « formation en matière de sécurité de travail », il convient de choisir les termes standards dans la classification chinoise, tels que « formation pratique [démonstration], enseignement, éducation, instruction », et ce, malgré le fait que ce cabinet ne propose pas de formations dans un autre domaine. A défaut, il risquera de recevoir une notification d’irrégularité pour son choix jugé trop « improvisé ».

Très concrètement, cette situation peut vraiment devenir contraignante si vous avez des produits ou services très spécifiques ou très techniques, car vous ne trouvez pas forcément de termes adéquats dans la classification chinoise.

Afin de contourner cette difficulté, et d’avoir plus de liberté dans la rédaction du libellé de votre marque, vous devrez passer par un dépôt de marque internationale pour désigner la Chine, car l’examen du libellé est moins strict pour ce type de dépôt. Ici, l’exemple de la « formation en matière de sécurité de travail » serait accepté par l’Office chinois.

Article rédigé par Qiang CEN