Les slogans peuvent-ils être protégés en Chine ?
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Les slogans peuvent-ils être protégés en Chine ?

Les routes possibles de protection

Un slogan est généralement un texte court, accrocheur et dont on se souvient facilement. Sa fonction principale est d’attirer l’attention des consommateurs et de leur permettre d’identifier une marque en quelques secondes. Un bon slogan peut constituer un élément de marketing important pour une entreprise.

La création d’un slogan n’est pas toujours évidente, il est souvent le résultat de longues réflexions internes, parfois avec l’aide de consultants spécialisés. Une fois créé, il paraît normal de vouloir le protéger. Comme en France et en Europe, il n’est pas facile d’obtenir la protection d’un slogan par un droit de propriété intellectuelle en Chine. Cet article a vocation à présenter les voies possibles de protection des slogans sur le territoire chinois.

I. Par la voie de la protection du droit d’auteur

Si on veut recourir à la protection du droit d’auteur pour un slogan, ce dernier doit tout d’abord être protégeable par le droit d’auteur, c’est-à-dire que le slogan doit répondre aux caractéristiques  d’une « œuvre » au sens de la loi chinoise sur le droit d’auteur. Pour cela, il doit présenter des caractéristiques d’originalité et de créativité, et pouvoir être reproduit sous une certaine forme.

Certains slogans ont été reconnus protégeables par le droit d’auteur par les tribunaux chinois. Par exemple, selon un jugement rendu dans une affaire de contrefaçon de slogan opposant deux cliniques de chirurgie esthétique[1], le tribunal intermédiaire de Changde (province du Hunan) a estimé que le slogan (que nous traduisons ici en français) « Venez à Yestar, vous êtes une star » était une création indépendante qui présentait un certain degré d’originalité, et pouvait être reproduit sous une certaine forme. Il a également indiqué que ce slogan pouvait refléter directement et entièrement les caractéristiques de la marque « Yestar » et avait donc atteint un certain niveau de réalisation intellectuelle. Il en a conclu que le slogan présentait les caractéristiques d’une œuvre littéraire et devait donc être protégé par le droit d’auteur.

S’il est possible de recourir à la protection du droit d’auteur pour un slogan, cette décision nous le confirme, l’obtention de cette protection est loin d’être systématique. Un slogan étant généralement un texte court, parfois composé de termes du langage courant, il peut être difficile d’établir son originalité. Ainsi, les tribunaux chinois ont décidé que les slogans tels que « Haute qualité et excellent service » et « Votre satisfaction est notre plaisir » ne présentaient pas les caractéristiques d’une œuvre et leur ont refusé la protection du droit d’auteur.

Relevons que, selon la loi chinoise sur le droit d’auteur, les auteurs d’œuvres protégeables acquièrent automatiquement un droit d’auteur sur leur œuvre dès sa création. Par conséquent, l’octroi du droit d’auteur ne dépend d’aucune formalité. Cependant, il est recommandé d’enregistrer les œuvres auprès du CPCC (Centre chinois de protection du droit d’auteur). Cet enregistrement permet d’obtenir un certificat d’enregistrement de droit d’auteur qui constitue une preuve de possession de l’œuvre à la date de dépôt de la demande, preuve qui a son utilité, notamment face à un contrefacteur. Il convient de noter qu’un tel certificat emporte une présomption de droit d’auteur, qui, comme toute présomption, peut être renversée. Ainsi, il est conseillé de conserver les preuves de création et/ou de possession des œuvres afin de pouvoir les fournir à la cour pour prouver l’identité du propriétaire du slogan. Les documents tels que les contrats de mandat (si ce slogan est une œuvre de commande), les documents retraçant le processus de création, les échanges d’emails, etc. sont utiles dans ce cas de figure.

A noter également que le CPCC ne conduit pas d’examen de fond des demandes d’enregistrement. Ainsi, l’enregistrement d’un slogan auprès du CPCC n’emporte pas nécessairement confirmation du caractère protégeable d’un slogan. En cas d’action en contrefaçon introduit par le propriétaire du slogan, le tribunal en charge de l’affaire se prononcera sur la qualification d’œuvre et pourra décider que les conditions ne sont pas remplies, et ce, même si le slogan avait fait l’objet d’un enregistrement auprès du CPCC.

II. Par la voie de la protection de marque

De la même façon que pour le droit d’auteur, si on veut recourir à la protection de marque pour protéger un slogan, ce dernier doit d’abord être protégeable au sens de la loi des marques. Nous ne reviendrons pas sur les conditions de protection d’une marque, mais, relevons, en particulier, que le slogan doit être « distinctif », ce qui signifie qu’il ne doit pas se contenter de décrire les caractéristiques du produit ou du service concerné. Il ne doit pas non plus s’agir de « termes publicitaires ou promotionnels ordinaires » qui, selon les dernières directives de la CNIPA, doivent également être considérés comme dépourvus de distinctivité.

Ainsi, pour obtenir l’enregistrement d’un slogan, il faut pouvoir prouver son caractère distinctif inhérent ou acquis par l’usage. Les exemples de succès d’enregistrement incluent le slogan de Nike « Just do it » ou encore le slogan (que nous traduisons en français) « Mon espace, ma voix » de China Mobile, qui ont tous deux été enregistrés en tant que marques.

Là encore, l’obtention de cette protection par le droit des marques est loin d’être évidente. De nombreuses sociétés ont échoué dans cette voie. Ainsi, la société Alibaba n’est pas parvenue à enregistrer certains de ses slogans (que nous traduisons en français), par exemple « Faire une petite mais belle différence pour le monde » en classe 9 ou « Osez scanner, j’ose vous dédommager » en classe 38, qui ont fait l’objet de refus pour manque de distinctivité.

III. Par la voie du droit de la concurrence déloyale

Lorsqu’un slogan ne remplit ni les conditions de protection d’une marque ni celles d’une œuvre, il est toujours possible de tenter d’obtenir une protection par le droit de la concurrence déloyale, et plus particulièrement, l’article 6(1) de la loi chinoise contre la concurrence déloyale qui protège les signes commerciaux ayant un « certain degré d’influence ». Il ne s’agit pas d’une protection obtenue par un droit de propriété intellectuelle, comme l’est le droit d’auteur ou la marque. Cette protection peut être obtenue en cas d’utilisation du slogan par un tiers, dans le cadre d’une action en concurrence déloyale devant les tribunaux. Même si la démonstration du degré d’influence du slogan n’est pas chose aisée, la jurisprudence chinoise a déjà protégé des slogans par ce biais.

On l’aura compris, l’obtention d’un droit de marque pour protéger un slogan, même s’il est difficile à obtenir, apparaît comme la voie la plus efficace, en cela qu’elle offre une prévisibilité dans la protection. Par ailleurs, le titulaire d’une marque n’aura pas, contrairement au titulaire d’un droit d’auteur ou au demandeur dans une action en concurrence déloyale, à démontrer que les critères légaux sont remplis pour obtenir une protection. Cette protection par le droit de marque s’applique bien entendu sous réserve que celle-ci ne soit pas invalidée à la demande d’un tiers, pour défaut de distinctivité.

Article rédigé par LIN Jun du cabinet LLR China

[1] Numéro de référence de cette affaire: (2014) Chang Min SanChu Zi n° 2