Concurrence déloyale en Chine : une réforme clé en 2025
Photo de Tara Winstead: education (Pexels)

Concurrence déloyale en Chine : une réforme clé en 2025

Actes illicites, plateformes, responsabilité personnelle : les nouvelles lignes rouges

Le 23 juin 2025, l’Assemblée nationale populaire de Chine a adopté une nouvelle révision de la loi contre la concurrence déloyale (Anti-Unfair Competition Law, AUCL), qui entrera en vigueur le 15 octobre 2025. Cette réforme marque une étape importante dans l’adaptation du cadre juridique chinois aux réalités économiques contemporaines, en particulier à celles du numérique, du commerce électronique et des plateformes en ligne. Le texte de la loi est disponible ici (en chinois).

Cette révision étend significativement le champ d’application de la loi, renforce les sanctions applicables, introduit des mécanismes de prévention plus proactifs et consacre de nouvelles obligations pour les entreprises opérant en Chine.

Dans notre article, nous vous proposons une analyse synthétique des principales nouveautés introduites par la réforme, de leur portée juridique, ainsi que des implications pratiques pour les acteurs économiques concernés.

Quels sont les changements majeurs prévus par la révision de la loi contre la concurrence déloyale ?

1. Extension du champ d’application de la loi par un élargissement des actes de “confusion” (article 7)

Sont désormais également considérés comme des actes de confusion et donc interdits par la loi :

  • l’usage non autorisé de noms de domaine, sites web, noms de comptes de réseaux sociaux, noms/icônes d’applications ayant une certaine influence ;
  • l’usage non autorisé, comme nom commercial, de la marque d’autrui enregistrée ou non enregistrée mais connue ;
  • le fait de paramétrer, comme mot-clé de recherche, la marque d’autrui enregistrée ou non enregistrée mais connue, le nom de produit, ou le nom commercial d’autrui, entraînant une confusion avec les produits d’autrui ou laissant croire à l’existence d’un lien particulier avec autrui.

Cet amendement constitue une avancée bienvenue, notamment en matière de protection des mots-clés (ou adwords). Jusqu’à présent, aucune disposition légale spécifique n’existait, ce qui compliquait la tâche des juges et les laissait hésitants quant au fondement juridique à retenir pour sanctionner de tels actes.

2. Encadrement strict de la concurrence numérique (article 13)

La révision de la loi prévoit l’interdiction d’abuser des règles des plateformes pour directement ou indirectement inciter autrui à réaliser des fausses transactions, laisser des fausses évaluations ou effectuer des retours malveillants, interdiction d’exploiter les algorithmes ou les règles de plateforme pour désavantager la concurrence.

3. Interdiction des ventes forcées à perte par les plateformes (article 14)

Les exploitants de plateformes ne doivent pas contraindre les opérateurs tiers (y compris de manière dissimulée) à vendre des marchandises à un prix inférieur à leur coût de revient au titre de leurs règles de tarification.

4. Encadrement de l’abus de position avantageuse (article 15)

Les grandes entreprises et autres opérateurs économiques ne doivent pas abuser d’une position avantageuse en matière de capital, technologie, canaux de transaction ou d’influence dans le secteur pour contraindre les PME à accepter des conditions de paiement, modalités, obligations contractuelles manifestement déraisonnables, ou pour retarder le paiement des créances dûes aux PME pour leurs marchandises, travaux ou services.

Ces nouvelles dispositions interviennent à la suite de nombreux mouvements de contestation émanant de boutiques présentes sur les plateformes chinoises d’e-commerce, qui dénonçaient certaines pratiques jugées injustes et déraisonnables.

5. Compétence extraterritoriale explicite (article 40)

Les actes de concurrence déloyale commis hors de Chine qui perturbent l’ordre concurrentiel du marché intérieur ou portent atteinte aux droits légitimes d’opérateurs économiques ou de consommateurs chinois relèvent désormais de cette loi et pourront être punis en Chine.

6. Aggravation des sanctions et responsabilité personnelle (articles 24, 28, 29)

Les amendes maximales pour corruption commerciale, diffamation commerciale et concurrence déloyale en ligne sont relevées de 3 millions RMB à 5 millions RMB.

Les représentants légaux, dirigeants principaux et personnes directement responsables peuvent encourir des amendes individuelles allant jusqu’à 1 million RMB en cas de corruption commerciale.

Conclusion

En résumé, la loi amendée marque une avancée notable dans la régulation des économies de plateforme. Elle précise les pratiques transactionnelles abusives, renforce les sanctions et élargit son champ d’application aux comportements commis à l’étranger.

Reste toutefois à observer, dans sa mise en œuvre, l’impact réel de la clause de compétence extraterritoriale et les éventuels conflits de lois qu’elle pourrait susciter.

Article rédigé par Audrey DRUMMOND