Importations parallèles et contrefaçon de marque
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Importations parallèles et contrefaçon de marque

Clarifications apportées par la Cour de PI de Pékin dans l’affaire X-BIONIC

Qu’est-ce que l’importation parallèle ?

L’importation parallèle désigne la situation où un tiers achète des produits authentiques (c’est-à-dire des produits légitimement commercialisés par le titulaire de la marque à l’étranger) et les importe en Chine pour les revendre, sans l’autorisation préalable de ce même titulaire de la marque, qui détient également des droits de marque sur le territoire chinois.

En Chine, depuis l’affaire Victoria Secrets de 2013, les tribunaux jugent que l’importation parallèle ne constitue pas une contrefaçon de marque car les consommateurs ne sont pas trompés sur l’origine des produits.

En juin 2024, la Cour de PI de Pékin a eu à juger une nouvelle affaire en matière d’importations parallèles. La spécificité de cette affaire tient au fait que le producteur des produits importés et le titulaire des droits de marque en Chine n’étaient pas la même entité, posant ainsi la question de savoir si la défense d’importations parallèles est applicable dans cette situation. La Cour de PI de Pékin a répondu à cette question par la négative. Nous vous proposons de revenir sur son raisonnement.

Contexte de l’affaire

Les faits de cette affaire concernent la vente en Chine de produits techniques de sport de la marque X-BIONIC. Un individu chinois, M. Liu, avait commercialisé sur la plateforme Taobao des produits de cette marque, produits authentiques fabriqués par la société suisse X-Bionic AG et importés en Chine.

Beijing Sanfo Outdoor Products Co. Ltd (Beijing Sanfo) est le titulaire actuel des droits de marque X-BIONIC en Chine. Cette société était auparavant l’agent de X-Bionic AG avant d’acquérir de la part de la société suisse l’ensemble des droits de marque en Chine.

Jiangsu Sanfo Outdoor Products Co. Ltd (Jiangsu Sanfo), filiale de la société Beijing Sanfo, est titulaire d’une licence exclusive de la marque. Son contrat de licence prévoit un droit à utiliser et à faire respecter les droits de marque. Ainsi, Jiangsu Sanfo a poursuivi M. Liu pour la vente des produits importés, l’accusant de contrefaçon de marque.

Décision de première instance

Dans sa décision, le tribunal note que le défendeur n’avait pas modifié l’emballage, l’apparence du produit, ni la marque apposée sur le produit. Ainsi, il n’avait pas rompu le lien entre la marque et la société suisse qui a fabriqué les produits, ni induit les consommateurs en erreur quant à l’origine du produit. Le tribunal en conclut que la vente des produits ne nuisait pas aux intérêts légitimes de Beijing Sanfo.

Le tribunal de première instance a donc rendu une décision en faveur de M. Liu, estimant que la défense des importations parallèles s’appliquait et que la commercialisation des produits authentiques de la marque XBIONIC en Chine ne constituait pas une contrefaçon de marque. Jiangsu Sanfo, mécontent de cette décision, a interjeté appel devant la Cour de PI de Pékin.

Décision de la Cour de PI de Pékin

La Cour de PI de Pékin a infirmé la décision de première instance. Selon elle, l’aspect clé de la question des importations parallèles réside dans le fait que le titulaire des droits de marque national et le producteur des produits à l’étranger doivent être la même entité ou avoir une relation juridique. À défaut, il y a contrefaçon de marque.

En l’espèce, le tribunal a constaté que, même si les produits vendus par M. Liu étaient légalement importés et provenaient de la même origine que les produits vendus par Jiangsu Sanfo sur le marché intérieur, le producteur des produits importés et le titulaire des droits de marque en Chine n’étaient pas la même entité. De plus, il a indiqué qu’aucune preuve établissant une relation juridique entre les deux entités n’avait été fournie par le plaignant.

Le fait que le jugement de première instance ait reconnu que Beijing Sanfo avait été l’agent de X-Bionic AG ne suffisait pas, pour la Cour de PI de Pékin, à établir la relation nécessaire pour invoquer une défense d’importation parallèle.

Par conséquent, la commercialisation des produits par M. Liu ne pouvait être considérée comme une importation parallèle, au contraire, leur vente en Chine sans l’autorisation du titulaire de la marque chinoise constituait une violation des droits exclusifs de marque.

Commentaires

D’un point de vue juridique, en Chine, les importations parallèles ne sont pas illégales en raison du principe de l’épuisement des droits, selon lequel le titulaire de marque perd ses droits sur le produit une fois celui-ci vendu légalement.

Cependant, cette défense n’est applicable que si le fabricant des produits à l’étranger et le titulaire de la marque en Chine sont soit la même entité, soit liés par une relation juridique. Dans le cas d’espèce, la Cour fait une application stricte de cette règle.

Il est vrai qu’un contrat d’agence liait auparavant X-Bionic AG à Jiangsu Sanfo. Toutefois, suite à l’acquisition de la marque chinoise par Beijing Sanfo, les droits de marques en Suisse et en Chine sont désormais détenus par deux sociétés distinctes. De plus, en raison de l’arrêt du contrat d’agence, il n’y avait plus de lien juridique entre les titulaires de marques en Chine et en Suisse.

Ce type de décisions s’inscrit dans la jurisprudence actuelle, visant à garantir une protection des titulaires des droits de marque chinois, notamment en leur permettant de contrôler la vente de produits importés.

Article rédigé par Audrey DRUMMOND